Laborieuse histoire d'un labeur en laboratoire

quel point les gens obéissent quand ils doivent soumettre l'autre à la douleur ? C'est la question qu'avait posée Stanley Milgram lors de sa fameuse expérience. Controversée, choquante, innovante et toujours étudiée. Soit. Le film nous raconte tout cela et plus. Il choisit pour cela un ton monotone, froid comme si le film devait être lui-même une expérience. Le problème c'est qu'une expérience, en général, n'intéresse que le scientifique passionné et apparaitra ennuyeuse aux autres. C'est le cas ici. Surtout que ses résultats n'arrivent jamais à une conclusion quelconque ou à une véritable hypothèse. Du moins aucune scène ne nous en parle franchement. De plus le personnage principal brise continuellement le quatrième mur pour nous parler de manière didactique, comme pour faire de nous des témoins forcés. C'est évidemment beaucoup moins drôle que lorsque c'est Deadpool qui le fait. On nous raconte ici gentiment la vie finalement assez commune d'un scientifique. Pas vraiment de quoi faire un biopic en fait.
La musique est plutôt lancinante, le montage plat comme une crêpe, pour coller semble t-il non seulement à l'ambiance des expériences universitaires mais également au caractère de Milgram, dépeint par Peter Sarsgaard de manière taciturne. Les comédiens ne sont pas à mettre en cause, ils ont tellement peu à faire dans le jeu qu'on leur demande, apparemment un genre de dérivé lointain de la distanciation brechtienne.
Apparemment Milgram était un juif, qui avait un nom hébreu, dont les parents avaient fui le nazisme, et c'est pour cela qu'il avait voulu mener son expérience. Il nous est rappelé à plusieurs reprises la théorie de "la banalité du mal" d'Hannah Arendt au surplus. Un film solide a d'ailleurs été réalisé aussi sur sa vie. Il est brai que leurs travaux pourraient être complémentaires. Et là, le propos s'arrête ou il aurait pu poser des questions, prendre un point de vue moderne, réfléchir au lieu de nous imposer l'histoire d'un scientifique comme une litanie. Comment se fait-il qu'avec sa famille, son passé, il souhaite conduire une expérience ou il reproduit l'illusion d'évènements sans lien avec son immédiate réalité ? Expérience, où il fait jouer le rôle du bourreau aux autres. On aborde très légèrement la question de sa propre perversité. On pourrait aussi d'ailleurs posé la question, dans un film comme celui-ci ou ailleurs, de celle d'Adler, de Freud et bien d'autres. D'autre part, peut-on vraiment utiliser ses résultats et les confronter à la réalité ? Car la réalité à de multiples facettes comme on peut le voir dans le film Compliance, où l'on voit des gens obéir à des ordres dans leur propre routine, au sein même de leur lieu de travail. Vers la fin toutefois, une rapide réflexion de Milgram nous est présentée, une micro ouverture sur le spirituel, sur la conscience. Trop peu trop tard.
Au final, tant sur la forme que sur le fond, le film ne fera réfléchir que ceux qui le souhaitent. Pour en apprendre sur Milgram il vaudrait peut-être mieux lire son livre ou alors jeter un œil à sa page Wikipedia, ce qui parait à certains égards, bien suffisant.

Fiuza
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le 5 mars 2016

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