Voyage aux confins de la psyché humaine.... Vers l' obsession qui mène à la folie.....

Bonjour à tous,

Je tiens à faire la critique d' un film que j' adore, et d' un réalisateur que je n' aime pas moins. " Faux-Semblants " de David Cronenberg. AH....

De quoi parle ce film ? Deux vrais jumeaux, Beverly et Elliot Mantle, gynecologues de renom, partagent le meme appartement, la meme clinique, les memes idees et les memes femmes. Un jour, une actrice celebre, nommé Claire, vient les consulter pour sterilite. Les deux freres en tombent amoureux mais si pour Elliot elle reste une femme parmi tant d’autres, pour Beverly elle devient la femme. Pour la premiere fois les freres Mantle vont penser, sentir et agir differemment....C'est le début d'une descente vers la folie.

Voilà l' idée de départ. Comme d' hab chez Cronenberg, le film s' ouvre sur un dialogue improbable entre deux gamins ( les deux frères ) sur le sexe, et la vie dans un aquiarium.... Très drôle.

Faux semblants arrive à une époque particulière de la carrière de Cronenberg. Depuis les prémisses de ses réalisations, David Cronenberg s’est plu à changer de style et de niveau tous les deux ou trois films. Après un début assez approximatif marqué par Stéréo et Crimes of the future, le réalisateur s’est lancé dans des œuvres plus conceptuelles, une horreur plus prenante et mieux orchestrée avec Frissons, Rage et Chromosome 3. L’apogée de son art, il l’atteint quelques années plus tard avec des œuvres telles Dead zone, La mouche et enfin, ce Faux-semblants qui vont lui assurer une certaine reconnaissance du public.

Inspiré d’une histoire vraie, Faux-semblants est en réalité une adaptation libre du roman Twins de Bari Wood et Jack Geasland, livre inspiré de la tragédie qui a frappé les jumeaux Marcus dans les années 70. Stewart et Cyril Marcus, jumeaux identiques et gynécologues de métier, sont retrouvés morts à quelques jours d’intervalle dans leur appartement. La cause de la mort est l’ingestion de barbituriques : une vie identique pour une mort identique.

En réalité, Faux-semblants, jusqu’à la limite de son aboutissement, ne peut être réellement considéré comme un film d’horreur mais plus précisément comme une œuvre dramatique empreinte d’une psychologie renversante. En ce sens, le métrage est assez éloigné des autres œuvres du maître au niveau de la thématique traitée mais reste en phase avec le reste de sa filmographie au niveau de la manière dont le thème est traité.

L’histoire met en lumière deux gynécologues jumeaux, Beverley et Elliott Mantle, interprétés tous deux par l’acteur Jérémy Irons. Deux jumeaux identiques impossibles à différencier pour les gens qui les côtoient. Depuis leur enfance, les deux frères ne cessent de partager les mêmes goûts, les mêmes expériences. Exécutant le même métier, ils n’hésitent pas à se partager les rôles, se faisant sans cesse passer l’un pour l’autre. Un jeu déstabilisant quleur permet également de goûter conjointement aux mêmes conquêtes sans éveiller le moindre soupçon. La mascarade prendra soudainement fin lorsque, après avoir partagé le corps de l’actrice Claire Niveau, Beverley s’éprendra de la femme. Dès cet instant, le jeu perd tout son sens et Bev est balancé entre l’amour charnel qu’il éprouve pour Claire et celui, fraternel, qu’il nourrit à l’égard de son jumeau. L’organisme bicellulaire mis en place jusque là va se trouver modifié par l’intrusion de cette bactérie inattendue qui va considérablement changer la donne.

Cette intrusion gangrène peu à peu le comportement de Beverley tour à tour malheureux et jaloux pour le rendre finalement complètement malade. Le médecin devient agressif envers ses patientes, invente des instruments chirurgicaux irréalistes destinés aux malformations. A cause du lien affectif qui unit les deux frères, Beverley va irrémédiablement entraîner Elliot dans son malaise vertigineux. Elliot aura beau tenter de soigner son frère, de le désintoxiquer, il se laissera finalement embarquer dans la déchéance la plus absolue.

Le long métrage nous entraîne magnifiquement dans les tourments de ces trois personnages, détruits psychologiquement qui luttent incessamment les uns contre les autres. De déchirures en réconciliations, le trio évolue de manière chaotique, jouant le jeu dangereux de la séduction. A cette dimension psychologique dérangeante s’ajoute les problèmes de drogue qui vont finir de détruire physiquement et mentalement les frères bien décidés à se séparer définitivement. Cette lente évolution vers la folie ultime nous mène à une scène finale absolument étourdissante.

L’un des reproches principaux que l’on pourrait formuler à l’égard de Cronenberg est la dérangeante complexité qui émerge de l’œuvre. Le tout reste assez compliqué à suivre, en raison notamment de la ressemblance troublante des jumeaux et de leur personnalité opposée. Le réalisateur s’amuse en outre à imposer des circonvolutions qui finissent décontenancer les spectateurs. Soulignons à cet égard, pour être tout à fait complet et contrebalancer quelque peu les reproches que je viens de souligner, la prestation cinq étoiles de Jérémy Irons qui a dû œuvrer comme un beau diable pour réussir à ne commettre aucune erreur. Avouons que cette seule interprétation mérite déjà des applaudissements éternels tant le jeu d’Irons est parfait…

Faux-semblants est une œuvre particulière de Cronenberg (mais quelle œuvre du génie ne l’est pas ?) qui suffit à insuffler respect et honneur au créateur ne serait-ce que pour la qualité de la mise en scène et les propos utilisés.

Maintenant, partons plus dans le détail :

L’habilité des plans, l’utilisation de « divisions mobiles » ( avec l’informatique, Cronenberg va pouvoir déplacer la position de la division invisible de l’écran en deux parties et de la caméra en même temps ) va faire en sorte que l’on croit qu’il y a deux Jeremy Irons distincts qui tiennent les rôles de Beverly et Eliot Mantle. Et quel jeu d' acteur de Jeremie Iron !! Génial !!

Sur l’affiche, on peut déjà voir que les visages des deux jumeaux reflètent un troisième visage. On sait avant de voir le film que les jumeaux se perdent entre eux et qu’il sera très difficile de les distinguer.
S’il est si difficile de les mélanger, c’est aussi parce que les frères Mantle partagent tout, même les femmes.
L’affiche originale contient d’ailleurs un sous-titre « Two bodies. Two spirits. One soul » qui à lui seul nous fait comprendre le lien qui unit ces deux jumeaux. Les jumeaux, interprétés par Jeremy Irons, sont très liés au point de paraître interchangeable.

Faux semblant n’est pas un film d’horreur ou de science-fiction mais plutôt un drame réaliste avec une psychologie renversante voir dérangeante. On s’éloigne des autres films de Cronenberg, le thème étant différent mais la manière dont celui ci est traité reste en phase avec sa filmographie.

La plupart des films sur des jumeaux sont des comédies, ou des films policiers avec un jumeau maléfique commettant un crime. Avec Faux Semblants, Cronenberg donne pour la première fois de l’épaisseur dans les rôles de frères jumeaux.
Il fallait un acteur spécial pour incarner les jumeaux Mantle, un acteur actif qui ne fait pas que se laisser diriger, cet acteur sera Jeremy Irons, fascinant dans le film, interprétant les jumeaux Mantle avec brio.
On voit l’investissement de Irons dans les rôles, par son jeu il apporter cette épaisseur que désirait Cronenberg. Jeremy Irons arrive par les différentes énergies qu’il donne à chacun des jumeaux à nous permettre de les différencier.

Avec Faux-semblants nous somme face à un nouveau chef-d’oeuvre de Cronenberg, aussi bien grâce à la psychologie du film avec les thèmes de la juméléité, le double cynique et ce réalisme absolu, que grâce à la maîtrise technique du réalisateur nous faisant réellement croire que Jeremy Irons nous avait caché un frère jumeau....

Peut-être LE chef-d’œuvre de Cronenberg : le cinéaste canadien atteint ici une intensité dramatique proche de la tragédie grecque. Il aborde d'ailleurs la gémellité sous l'angle du mythe, comme une métaphore du couple en général, qu'il soit amoureux, familial ou même amical. Il est ici question de l'impossible fusion de deux individualités, de la volonté (très cronenbergienne) de dépasser la chair. Le couple est à la fois une formidable transcendance, une exaltation, mais aussi une oppression (dû à cette impossibilité de fusionner). C'est cette tragédie de l'incomplétude que relate le film, à travers le cas particulier de deux jumeaux qui se retrouvent en "dissonance". Cela est évidemment dû à l'irruption d'un corps étranger (une femme), qui vient révéler à Berverly et Elliot leurs différences. Et les entraîner dans une chute irrémédiable. Au-delà de la puissance du propos, le film atteint des sommets de puissance cinétique : rarement l'impression de tragédie, implacable et métaphysique, n'aura habité un récit. Mise en scène au cordeau, interprétation de haut vol, vertige de l'interprétation Jeremy Irons qui parvient véritablement à donner vie aux deux frères, score parfait de Howard Shore, lumière ciselée : tout est poussé à l'incandescence. Cronenberg signe ici l'épure d'une tragédie qui fascine autant qu'elle ne provoque l'effroi. Cela ne l'empêche pas de continuer son éternelle et passionnante réflexion sur les liens troubles du corps et de l'esprit. Une œuvre totale et puissante qui assoit définitivement son auteur parmi les plus grands. Merci David.

Regardez ce film. Il est vraiment génial ! Tcho. portez vous bien. Et gloire à David Cronenberg ! @ +.

Créée

le 19 mars 2015

Critique lue 621 fois

San  Bardamu

Écrit par

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