Vraiment le genre de films que j'aurais fait si j'étais réalisatrice et que j'ai envie de regarder tous les jours de ma vie. Même si le thème principal est une romance entre deux adolescents qui doit être cachée en raison de l'homophobie en Sicile dans les années 80, les sujets secondaires ne sont pas bâclés. Ce film met en scène des relations familiales d'une authenticité vraiment touchante : la complicité de Nino avec son neveu, la proximité de façade avec son père et son oncle, ces hommes à première vue chaleureux et bienveillants mais qui, comme tous les autres, s'opposeront aux deux garçons de la pire des manières. Du côté de Gianni, sa relation avec sa mère est aussi très belle, et l'actrice joue bien cette mère détruite car dépendante d'un homme violent, qui voit son fils s'éloigner sans pouvoir le protéger au risque de se mettre en danger.
On peut aussi voir la dénonciation des conditions de travail des ouvriers et du patronat cynique, quand l'un deux est renvoyé sans scrupule et que les autres sont contraints de fermer les yeux s'ils ne veulent pas vivre le même sort. Dans ces villes où l'air chaud a une odeur de pouvoir, de patriarcat et de religion, nos deux personnages s'évadent au bord de l'eau, et nous offrent une histoire d'une douceur opposée à la rudesse omniprésente. Plus qu'un ami et qu'un amoureux, c'est une famille que Gianni trouve quand il commence à travailler en tant qu'assistant artificier. Mais les choses se corsent quand les parents de Nino apprennent la vraie nature de leur relation, et c'est là que leur conte de fée vire au cauchemar. Gianni, encore une fois rejeté, battu, est contraint de retourner travailler pour ce beau-père exécrable et de subir tous les jours le harcèlement des connards du bar d'à côté. A propos d'eux, c'est d'ailleurs assez ironique que ce soient les homophobes qui aient les comportements les plus ambiguës (d'ailleurs c'est prouvé scientifiquement que les personnes les plus critiques de l'homosexualité sont en moyenne plus excitées par ces pratiques BREF).
On peut remarquer un manque de subtilité : dans certains personnages comme le grand frère de Nino qui sert juste à dire qu'il a aussi des relations avec des hommes (no joke y'a le drapeau LGBT+ sur son T-shirt), dans certains dialogues un peu artificiellement poétiques alors que les images suffisent amplement à tout exprimer.
C'est donc un film magnifique et essentiel sur le drame qui a poussé la création d'Arcigay en 1980, association italienne pour la lutte des droits LGBT+.