Damien Chazelle se loupe à moitié avec son adaptation de la biographie de Neil Armstrong.
Pour les auteurs du scénario (pour la première fois, Chazelle n'a pas écrit son script), Armstrong n'est pas le héros américain tel qu'aurait pu présenter un film plus académique sur le sujet (on pense à l'incroyable The Right Stuff, film de Philip Kaufman, sorti en 1984 et absolument pas daté). Il est terrassé par le deuil de sa fille et apparaît alors comme l'exécutant le plus qualifié parmi son équipe au service de la Nasa. Le film sera donc presque entièrement raconté de son point de vue, montrant de l'intérieur une conquête de l'espace qui laisse de côté les grands enjeux du film du genre pour ne conserver que les tests effectués par les futurs astronautes. La première séquence dans l'habitacle d'un avion est ainsi un moment incroyable d'immersion vertigineuse. La dernière partie consacrée à la mission conjugue également puissance narrative et intelligence de la mise en scène (le point de vue est toujours celui de l'astronaute) au service d'un beau moment de poésie. Dans les séquences de décollage puis dans l'espace, la tension et l'angoisse sont presque palpables à l'intérieur de ces carcasses métalliques et l'effet d'authenticité parfaitement réussi.
Mais entre temps, Il nous aura cloués au sol pendant une bonne heure avec une évocation sans intérêt de la vie de famille américaine des années 1960. A peine animée par Claire Foy, qui semble jouer dans un autre film le contrepoint à la passivité de son mari (le jeu tout en retenue de Gossling est lui parfaitement impressionnant), rythmée par des séquences insipides, Chazelle semble pendant ces scènes en pilotage automatique, le style et le montage rappelant par moments avec beaucoup moins de force le Tree of Life de Malick et l'écriture cochant toutes les cases du genre. L'arrière plan politique (Guerre froide, mouvement pour les droits civiques, contestation de la guerre du Vietnam) sont d'autres moments imposés qui ne sont pas toujours suffisamment incarnés.
Convaincant dans l'espace, First Man manque hélas sur terre du souffle qui aurait fait du film une très grande oeuvre.

Créée

le 18 oct. 2018

Critique lue 504 fois

19 j'aime

3 commentaires

Critique lue 504 fois

19
3

D'autres avis sur First Man - Le Premier Homme sur la Lune

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
blig
9

Fly Her To The Moon

On est souvent porté par l'emphase et la démesure lorsque l'on s'attaque à un film qui nous a bouleversé. On voudrait se montrer exhaustif, en explorer toutes les aspérités, en développer tous les...

Par

le 17 oct. 2018

101 j'aime

14

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
JorikVesperhaven
4

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

81 j'aime

11

Du même critique

Lost River
Olivier_Paturau
3

Lost Highway

On ne reprochera pas à Ryan Gosling de ne pas faire preuve d'imagination. Il choisit de traiter du déclin de l'ancienne capitale de l'automobile, Detroit, vidée par la crise de ses habitants (qui...

le 9 avr. 2015

53 j'aime

5

A Star Is Born
Olivier_Paturau
4

Gueule de bois

Passé une première demi-heure enthousiasmante, A Star is Born peine à convaincre et finit paralysé par des défauts d'écriture majeurs. Alors qu'il étire son récit sur deux heures et quart, le film...

le 3 oct. 2018

52 j'aime

8

120 battements par minute
Olivier_Paturau
8

L'armée des morts

Robin Campillo confirme avec son 3eme film qu'il est un des cinéastes de sa génération les plus passionnants. Il maîtrise aussi bien l'art de l'écriture (pas facile de mêler didactisme dans la...

le 24 juil. 2023

44 j'aime

1