La radicalité est encore en gestation. Les lignes de force sont incomplètes, pas encore assez bien maîtrisées pour permettre à l’image de se substituer au propos, bavard, superflu. Pourtant Flamme et femme est postérieur à Histoire écrite sur l’eau, ce dernier étant beaucoup plus abouti en termes de scénographie signifiante.


Alors où se situe le problème ? Pas dans le scénario en tant que tel, puisqu’il suscite des enjeux intéressants. C’est sans doute du côté des personnages, lesquels sont incapables de s’incarner eux-mêmes : ils ne sont que des poupées de chiffon auxquelles Kiju Yoshida a flanqué maladroitement des concepts sans grande cohérence avec leur caractère propre. Il y a globalement un manque d’homogénéité, de synchronisation entre les différents pôles qui constituent la dramaturgie du film.


Jusqu’à la toute fin, les histoires sont cloisonnées. Un choix qui pourrait être justifié (d’autant qu’esthétiquement le cadre vise à reproduire l’engoncement, la mise à distance), mais qui en définitive finit par nous perdre, d'autant qu’il se rajoute à une narration non-linéaire et qu’il contribue donc à une confusion du récit vraiment dommageable.


Formellement le film demeure très convaincant, profitant de la maîtrise de Yoshida sur le noir et blanc et du visage angélique de Mariko Okada, observé sous toutes ses coutures. L’utilisation de la caméra à l’épaule, quasiment proscrite de tous les futurs long-métrages du cinéaste, a de quoi surprendre. Elle cherche à imiter le point de vue prédateur de l’homme sur cette femme-objet que le XXe siècle a précipité, via la science, dans un rôle utilitaire aux délimitations éthiques fortement discutables.


Comme souvent chez Yoshida, cette perspective dominatrice de la masculinité vient combler une impuissance non seulement morale, mais également physiologique, qui trouve ses racines dans une crise de l'identité chez l'individu.


Des lectures intéressantes mais incomplètes donc, pour un film mineur de la filmographie du réalisateur japonais.

grantofficer
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le 18 sept. 2021

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