To live and let sigh
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"Seuls les monstres se prennent pour Dieu."
La voilà, la concrétisation tant attendue de ce rêve de gosse pour Guillermo del Toro.
Lui, le metteur en scène des monstres humains et des humains monstrueux, le cinéaste des contes fantasmagoriques, lui dont l’œuvre littéraire de Mary Shelley a toujours fait partie de son ADN, il était finalement logique que leurs chemins finissent un jour par se rejoindre pour ne plus faire qu'un.
L'un des plus célèbres ouvrages de la littérature fantastique (que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire), qui connut de très nombreuses adaptations cinématographiques au fil du temps, les plus connues étaient celles de James Whale, Terence Fisher, Mel Brooks ou encore Kenneth Branagh, prend aujourd'hui vie sous la houlette du réalisateur et scénariste mexicain.
Distribué par Netflix et doté d'un budget assez conséquent de 120 millions de dollars, ce "blockbuster personnel" nous plonge dans un récit à la fois imposant et intimiste, mais pas exempt de certains défauts plus ou moins importants, qui m'ont empêché de m'immerger réellement dans cette nouvelle adaptation.
Une œuvre fantastico-baroque et aux élans gores, où un certain soin est apporté aux décors, ainsi qu'à la composition de la lumière et des plans, conférant par moments un aspect très pictural et riche à certains d'entre eux (dans ses plans d'ensemble notamment).
Un soin esthétique contre-balancé par un usage trop présent et visible d'effets visuels qui viennent parasiter le côté palpable d'une partie du film et désamorcer la dangerosité de certaines scènes. Et pour un film autour de la recréation de la vie, celui-ci manque justement de vie par moments.
Un peu comme Tim Burton depuis trop longtemps (surtout depuis son «Alice», un autre projet très personnel, tiens donc), del Toro aurait peut-être dû opter pour plus d'effets pratiques (à l'image de cette scène de la (re)construction chirurgicale de la créature, dont on raccorde chaque partie du corps comme les fils d'un pantin) au lieu de se plonger trop souvent dans le virtuel.
Un peu moins de modernité et un peu plus d'authenticité formelle n'aurait sans doute pas fait de mal.
Un film divisé en chapitres, faisant se confronter le récit du créateur et de sa créature, leurs visions respectives de l'autre, leurs perceptions des notions de vie et de mort, du corps et de l'âme, de vengeance et de pardon.
Une nouvelle adaptation, plus graphique, pouvant compter sur une distribution de choix, et au sein de laquelle se font face Oscar Isaac, convaincant dans le rôle du scientifique se prenant pour Dieu, voulant à tout prix vaincre la mort mais rejetant (par orgueil ou par jalousie) la nouvelle vie qu'il a créé, et Jacob Elordi, monstre tragique et incompris (ayant un look pouvant rappeler celui des Ingénieurs dans «Prometheus»...et pour celui que l'on surnomme également le "Prométhée moderne", ça fait plutôt sens), privé de mort et condamné à réapprendre à vivre.
C'est d'ailleurs l'incarnation de son personnage et son récit qui m'ont le plus touché :
se régénérant à l'infini (un peu à l'image d'un Wolverine), cet être solitaire va réapprendre (à la manière d'un enfant) à s'exprimer et à se souvenir à l'aide d'un vieil homme aveugle qui ne juge pas un livre à sa seule couverture. Un segment emprunt d'une certaine poésie et humanité, jusqu'à ce que la réalité de la nature et la peur des hommes ne le chasse de ce refuge qui semblait trop beau pour être vrai.
Mia Goth quant à elle s'intègre plutôt bien dans l'univers de del Toro, même si cette connexion romantique qui s'opère instantanément entre la créature de Frankenstein et son personnage sonne un peu trop artificielle et naïve pour que je puisse vraiment y croire, d'autant qu'elle est en couple avec le frère cadet de Viktor, qu'elle s'apprête à épouser.
Pour finir, un film se trouvant être relativement déséquilibré dans sa construction narrative, avec une mise en place s'étirant un peu trop, au contraire de cette partie finale
sur ce navire danois, qui bascule bien trop vite, en terme de temporalité et d'évolution des personnages, d'un affrontement violent au cours duquel périssent bon nombre de membres de l'équipage, à une réconciliation mutuelle au terme de laquelle créateur et créature se disent au revoir pour la dernière fois.
Quelque part entre «Crimson Peak» (de par son esthétique) et «La Forme de l'eau» (de par son récit), ce «Frankenstein» est un projet passionnel pour del Toro, qui a voulu mettre énormément d'éléments dans ce film de 2h30, mais qui ne collent pas toujours ensemble, nous donnant une sorte de conte hybride, beau et artificiel, inventif et surchargé, habité et boiteux.
Petite déception donc face à cette œuvre-somme, qui a suffisamment de cœur et de tripes pour exister et me parler, mais qui manque aussi en partie de chair et d'âme pour être véritablement incarnée et me passionner comme je l'aurai espéré. 6-6,5/10.
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