To live and let sigh
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Maître del Toro revient une fois de plus à ce qu’il sait faire de mieux : sonder la frontière entre l’humain et le monstrueux. Derrière chaque créature difforme, il révèle une part d’humanité, signant à chaque fois une philosophie inépuisable. Son Frankenstein, librement inspiré du roman de Mary Shelley, prolonge cette fascination pour les êtres rejetés, à la fois victimes et miroirs de leurs créateurs.
Dès les premières images, le film rompt avec les conventions : pas d’ouverture classique ni de déferlement de logos, seulement le « N » rouge de Netflix, symbole d’un cinéma hybride, partagé entre la salle obscure et la plateforme. Ce choix du maître souligne déjà le paradoxe de l’œuvre : culture streaming et ambition d’auteur.
La narration se divise en deux grandes parties : celle du savant Victor Frankenstein, obsédé par la création de la vie, et celle de sa créature, née dans la solitude et la souffrance. Si Victor incarne la folie humaine, son rejet fait de lui, paradoxalement, le véritable monstre. La créature, elle, apprend à ressentir, à lire, à aimer, guidée par une vieille femme aveugle qui l’accepte sans peur. Ce renversement des rôles, cœur du film, rappelle la tendresse et la mélancolie qui traversent toute la filmographie du maître.
Visuellement, le film impressionne : maquillages, lumières et décors composent un univers gothique, presque pictural. Jacob Elordi, méconnaissable, donne à la créature une intensité à la fois fragile et terrifiante. Christoph Waltz apporte, lui, une présence inquiétante et fascinante. Certains raccourcis scénaristiques ou imprécisions géographiques n’enlèvent rien à la beauté formelle du récit, même si l’on sent que l’adaptation privilégie l’émotion et l’atmosphère au détriment de la fidélité littéraire.
Sur le plan narratif, maître del Toro prend ses distances avec la structure complexe du roman original. Là où Mary Shelley multipliait les voix et les récits enchâssés, le cinéaste simplifie pour se concentrer sur la dualité créateur/créature. Ce choix rend le film plus accessible, mais en atténue la dimension polyphonique : la richesse linguistique, culturelle et symbolique du texte laisse place à un drame plus intime.
Enfin, si l’on peut reprocher au film quelques longueurs et une fin un peu abrupte, il demeure un spectacle visuellement somptueux et profondément émouvant. On y retrouve l’obsession du maître del Toro pour les âmes brisées, les êtres hybrides et les mondes en clair-obscur. On en ressortira de notre salon intrigués, conscients que le véritable drame de Frankenstein n’est pas la création d’un monstre, mais l’incapacité de l’homme à reconnaître sa propre monstruosité.
Créée
le 3 nov. 2025
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