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Un film-somme qui ressemble à un film-brouillon

C'est donc ça le grand rêve de del Toro, une histoire déjà vue mille fois où rien n'est tellement mieux que dans les meilleures versions précédentes, avec un classicisme chronologique d'emblée plombant (si seulement on avait coupé l'enfance pour fusionner les visions et le père une fois adulte, et profité des vingt minutes ainsi gagnées pour des dialogues ou de la poésie, enrichir l'intrigue romantique ici épouvantable), un Elordi fade en créature, une Mia Goth gênante comme souvent dans le traitement par le réalisateur de ses personnages féminins, une galerie secondaire réduite mais sans caractère, une musique qui aurait mieux fait de ne pas exister, se montrant même capable de casser le seul dialogue un peu consistant de l'ensemble...


Pour celui que l'on présente (et qui s'assume) comme le réalisateur de l'amour pour les monstres, c'est thématiquement d'une faiblesse absolue, et je suis juste sincèrement surpris que del Toro ait pu se contenter d'aussi peu à tous points de vue, si on excepte de quand même beaux tableaux (quand on fait abstraction des fonds verts criards, disons dans la moitié des cas) et quelques petites touches de bizarrerie par-ci par-là, enfin qu'il est fou de se dire que cela sort 20 à 30 ans après les grands Burton, après Pauvres Créatures qu'il a dû tellement jalouser tant c'est, qu'on l'aime ou pas, un sommet à plusieurs points de vue de bien des aspects du cinéma de del Toro, qui au contraire dans ce film-somme ne fait qu'exposer des fascinations qui ont la maladresse des premiers films... J'aurais aimé y admirer au moins Isaac, qui est impeccable, pleinement investi, auquel je ne concevrais pas que l'on fasse le moindre reproche, mais à qui rien dans cet univers ne répond pour lui permettre de prendre de l'ampleur, quel ennui et quel dommage.


On me dit beaucoup de bien des scènes dans les glaces, enfin que del Toro aille à fond dans ses Montagnes hallucinées plutôt que de nous livrer un sous-The Terror. Et en fait, quand on voit combien il échoue à se réapproprier une œuvre qu'il révère trop... je préfèrerais qu'il fasse un Tintin au Tibet que Les Montagnes hallucinées - et si vous y réfléchissez sérieusement, vous verrez que ce n'est pas qu'une boutade.


Au fond, Frankenstein était formidable tant qu'il hantait del Toro sans aboutir à une adaptation, ce qu'il en fait dans Pinocchio, dans La Forme de l'eau, dans Hellboy, tout ce qu'il a déjà pu raconter sur le monstrueux, l'obéissance, l'amour, la création, la paternité était bien plus beau quand cela s'inscrivait dans des intrigues originales (même dans leur traitement d'une matière première), infusé plutôt que livré de façon brute avec ce classicisme naïf, cette fidélité qui pousse à tout montrer, tout dire en refusant tout implicite et qui résulte en un enchaînement brutal de scènes absolument prévisibles, sans aucune aspérité, jusque dans les émotions volontairement si simples qu'elles ne savent pas donner de profondeur à ces deux heures et demie.


XipeTotec
5
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Créée

le 8 nov. 2025

Modifiée

le 9 nov. 2025

Critique lue 16 fois

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