Pendant les deux heures et quart de Fury, une seule question subsiste : est-ce pire que Monuments Men ? Sorti plus tôt dans l’année, la réalisation de Clooney avait de très bonnes chances de gagner le prix du film le plus anachronique dans son traitement des thématiques guerrières. En clair, faire un film ultra patriotique traitant de la WW2 en 2014 avait de quoi faire sourire, le sujet ayant déjà été traité un bon millier de fois depuis la fin du IIIe Reich… Spielberg avait presque réussi à se tirer de ce carcan idéologique par une réalisation efficace dans Le soldat Ryan, mais ce n’est globalement que l’arbre qui cache la forêt.
Voilà donc David Ayer qui arrive avec ses gros sabots de réalisateur de blockbusters, avec un bon casting et surtout un semblant de nouvelle thématique : traiter de la fin de la guerre, côté américain, en Allemagne, et surtout en prenant le point de vue d’une demi-douzaine de soldats d’une unité de tanks. La salive monterait presque : joutes entre engins, claustrophobie exacerbée, nouveau point de vue… Las, le réalisateur fait du neuf avec du vieux en enfonçant les habituelles portes ouvertes des évidents poncifs américanistes.
L’ennemi est déshumanisé, ce qui serait presque normal vu que ce sont des salauds de nazis athées tueurs d’enfants. Tout le contraire des troupes américaines : la liberté avant tout, incarnée par ce tank quelconque (aucune spécificité hormis son tag ‘Fury’), objet de guerre glorifié lors du plan final sans aucune intelligence. L’originalité aurait été de faire du tank presque un personnage du film. Au final, le concept perd toute son originalité tant les scènes qui tentent en vain de faire naître du symbolisme sont désolantes (qualifié de ‘maison’ par le personnage de Brad Pitt, entre autres). Les soldats américains sont des gentils patriotes, soft power américain quand tu nous tiens… Ils citent la Bible, sont de plusieurs minorités, ne violent pas les femmes (ou alors avec amour (à peine caricaturé)). Derrière leur apparence tendue et sinistre se cachent en fait de fervents guerriers avides de liberté. On va donc de lieux-commun en lieux-commun, où aucune accalmie ne nous sera autorisée – ce qui est dommage compte tenu que les scènes de bataille ne sont pas toutes à jeter-.
Ne me faites pas dire que je tombe dans de l’anti-américanisme primaire, le tableau général de l’influence étatsunienne sur le cinéma n’est pas aussi simple à délimiter ; seulement, quand on passe sa soirée devant un film aussi manichéen et cliché que celui-là en 2014, ça fait très mal au cœur. Une leçon à retenir donc : ne jamais croire la moyenne Senscritique d’un film pas encore sorti, les groupies ou les fakes faisant automatiquement grimper plus que de raison la note.