Fury
6.7
Fury

Film de David Ayer (2014)

Cinquième réalisation de David Ayer qui d'habitude s'est imposer dans les polars urbains en filmant avec virtuosité les bas quartiers de Los Angeles ( notamment dans le très bon End of Watch ). Mais vu que je me suis déjà attarder sur sa carrière dans ma liste découverte ( que je vous invite à regarder ), je ne le ferais pas ici. J'attendais beaucoup son nouveau film pour voir comment il allait adapter son cinéma à un nouveau style, le film de guerre, pas sur le plan de l'écriture car les nombreuses obsessions de Ayer sont en liens avec les fresques guerrières mais j'étais plutôt curieux de voir comment il allait faire évoluer sa mise en scène. Et force est de constater que ce film ne m'a que peu déçu, car oui un ou deux éléments du film sont discutables mais dans l'ensemble c'est du très bon qui nous est offert et Ayer signe sans conteste son deuxième meilleur film ( End of Watch reste son meilleur pour moi notamment grâce à son final d'une puissance inégalée ).
Pour le scénario signer par Ayer ( comme pour la plupart de ses réalisations ), il préfère se concentrer sur un récit épuré voire minimaliste car il n'y a aucune trame narrative précise, les personnages se contentant juste de nettoyer village sur village, on est très proche de l'aspect quotidien des soldats lors de la Seconde Guerre Mondiale comme il avait pu faire le quotidien des policiers dans son End of Watch. Cela renforce donc l'immersion et l'aspect réaliste du film, car comme pour tout ses films, l'ensemble est très documenter pour offrir l'expérience la plus saisissante possible, la plus proche du réel. On retrouve donc cette obsession de Ayer pour le réalisme mais il est dommage qu'il caractérise ses personnages par des stéréotypes, ceux-ci sont donc génériques et leurs développements ne sera pas surprenant, d'ailleurs le seul qui a véritablement une évolution psychologique c'est Norman le petit nouveau qui aura une évolution des plus prévisibles et déjà-vu. De plus le film utilisera de ses stéréotypes pour l'aspect religieux du film même si il fait un parallèle judicieux entre l'horreur de la guerre et le coté pieux de certains soldats qui souligne une certaine hypocrisie, cela reste quand même relativement lourd et handicapant surtout que ça ralenti parfois le rythme du film. Pourtant malgré ça les personnages resteront relativement attachants pour que l'on se soucie vraiment de leurs sorts et ils ont aussi le mérite de ne pas tomber dans le manichéisme ni le patriotisme facile. Le film peut parfois faire croire qu'il est manichéen mais c'est à cause du point de vue qu'il choisi, il se trouve du côté des américains qui ont une vision négative des allemands mais le film jouera habillement de cet aspect pour jouer avec la perception du spectateur qui lui a une vision plus détacher sur l'ensemble, ce qui fait qu'il distillera habilement des visions moins manichéennes de la guerre. D'ailleurs le film ne présentera pas ses soldats comme des saints et ira même jusqu’à les montrer comme des salauds froids et meurtriers, qui peuvent même s'imposer comme une menace imprévisible notamment lors d'une scène de repas ou la tension est à son comble. Cette scène est d'ailleurs une des plus étranges et une des plus réussis du film qui pose un regard juste sur les ravages psychologiques de la guerre, alors que deux soldats pensent pouvoir s'offrir un moment de paix comme une matinée normale en famille, ils sont rattraper par cette guerre qu'ils veulent fuir, elle les envahis et les martyrises pour livrer un message bouleversant sur le syndrome post traumatique, ils ne seront plus jamais les mêmes et seront toujours rattraper par cette guerre et par ce qu'ils ont fait, symboliquement parlant ils ne quitteront jamais vraiment cette Allemagne. D'ailleurs ce passage souligne aussi l'aspect anti-patriotique du film car après avoir nettoyer un village, ils pillent, ils organisent des similis viols en bande, ils martyrisent , etc. Le film a donc une vision très pessimiste de l'armée américaine surtout qu'ici aucuns drapeaux américains n'est montrer et le mot américain n'est jamais cité. Cela peut paraître anecdotique mais ça montre bien qu'il n'est pas question de faire l'apologie d'un pays ( la scène ou le nouveau dit d'ou il vient et qu'on le coupe pour dire qu'ils s'en fichent que ça n'a pas d'importance ), ce sont juste des soldats qui tuent d'autres soldats. D'ailleurs ne pas avoir ce côté américaniser fait du bien surtout dans un film qui traite de la Seconde Guerre Mondiale qui ont tendance à être les plus patriotiques ( n'est ce pas Il Faut Sauver le Soldat Ryan ? ).
Sinon pour ce qui est du cinéma de Ayer on retrouve ses personnages bordelines qui sont en guerres figurativement et littéralement parlant, ils ne sont pas définis par le bien ou le mal mais sont capables de cruauté comme d’héroïsme. On retrouve aussi l'aspect camaraderie et fraternité qui sont les moteurs de ses films, il est d'ailleurs passer maître dans l'élaboration d'amitiés complexes et ambigus, qui sont sincères et touchantes ( même si ici on est pas au niveau de End of Watch ) et ici il ne déroge pas à la règle. De plus on retrouve l'aspect chaotique voire apocalyptique qui règne parfois dans ses œuvres, ici pousser au paroxysme par les horreurs de la guerres et le film s'articule comme une tragédie ( comme la totalité des films de Ayer ), une véritable odyssée funeste.
Pour ce qui est du casting 4 étoiles du film, ils sont tous très bon que ce soit Brad Pitt qui est impeccable ou Shia LaBeouf qui est sensationnel arrivant à palier les stéréotypes de son personnage par la force de son interprétation. La vraie surprise reste quand même Logan Lerman qui excelle dans un registre ou on ne l'attendait pas et qui prouve qu'il a un vrai talent d'acteur. Tandis que Michael Peña et Jon Bernthal joue très bien leurs rôles même si ce dernier à un peu tendance à faire son De Niro.
Sinon pour la réalisation, celle-ci est impeccable avec un montage classique mais efficace, une photographie absolument magnifique qui souligne bien l'aspect crépusculaire du récit et une BO viscérale qui prend vraiment aux tripes et accompagne à merveille l'ensemble. Tandis que la mise en scène de David Ayer impressionne de maîtrise, elle retranscrit à merveille l'aspect apocalyptique en s'attardant sur des décors désolés et minimalistes offrant des plans magnifiques ( époustouflant plan d'ouverture ). De plus il arrive parfaitement à jongler entre les espaces en extérieurs qui peuvent être vastes et les scènes de cloisonnement dans le tank qui sont très claustrophobiques, le tout avec une fluidité imparable. Tandis que ses scènes d'actions sont brutales et sans concessions, il filme la violence de manière frontale et réaliste notamment avec l'utilisation des balles traçantes qui colorisent les projections de balles et favorise la lisibilité des scènes. D'ailleurs c'est un des rares films de guerres à penser à utiliser les balles traçantes qui sont à la fois ludique en terme de mise en scène mais qui montre aussi le travail de recherche fait par le film pour être cohérent et réaliste. De plus les affrontements sont vraiment impressionnants notamment ce face à face entre deux tanks ou encore le final qui est habilement mis en scène, en se plaçant que sur un axe comme point d'encrage pour offrir une mise en scène géométrique et circulaire pour souligner la sensation de cloisonnement et d'acculement. Donc Ayer nous gratifie d'une mise en scène esthétisée et puissante qui font de ce film de guerre le plus impressionnant depuis Il Faut Sauver le Soldat Ryan.
En conclusion Fury est un très bon film qui se situe parfaitement dans les obsessions et dans la continuité du cinéma de Ayer. Le film n'a pas déçu mes attentes même si quelques éléments sont discutables et entache quelques peu le visionnage, ce n'est rien de dommageable à coté de l'expérience globale proposé par le film. Car la Seconde Guerre Mondiale n'a jamais été filmée comme elle est filmée ici, rare sont les films aussi réaliste et immersif. C'est donc une oeuvre à part entière, un véritable film d'auteur qui pousse le film de guerre dans des retranchements encore trop peu explorer et nous offre le meilleur film du genre de ses 10 dernières années. Une oeuvre puissante, viscérale et inoubliable qui marque et remue même après la fin du film et qui prouve que David Ayer est assurément un cinéaste à suivre de très près.
Frédéric_Perrinot
8

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Créée

le 26 oct. 2014

Critique lue 583 fois

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Flaw 70

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