J’ai mis un peu de temps à voir ce film… comme si quelque chose me retenait ! Non, non je n’ai pas été hypnotisé –rires- Mais compte-tenu des nombreuses réactions à sa sortie, et de la belle côte public/critiques qu’il obtient, je me suis enfin décidé.


Globalement, j’ai passé un excellent moment. Tension palpable, appréhensions, sursauts… jusqu’à ce que je comprenne que ce que je regardais n’était pas tout à fait ce à quoi je m’attendais. Il m’a fallu une vingtaine de minutes. Et tel Chris, je me suis calé confortablement (sur la défensive tout de même hein !) dans mon vieux Club en cuir préféré pour apprécier ce que ce jeune réalisateur m’avait concocté.


J’ai d’abord beaucoup ri des nombreux chemins de traverses qu’il fait prendre au spectateur pour débuter cet incroyable conte d’horreur. Maison isolée filmée façon Amityiville, travellings et champs et contre-champs stigmatisant, silhouette spectrale en excès de vitesse d’une pièce à l’autre, ambiance générale (plans étouffants, musique, jeux de luimière…) en surjeu, bref tout ce qui peut faire pétocher. Bienvenue en enfer Chris ! Et puis non… rien ne se passe ou presque (car voir le jardinier, véritable golem, sorti de nulle part qui fonce droit sur vous en plein cœur de nuit, ça couperait à bien des fumeurs l’envie d’en griller une !). Et pourtant, malgré le cadre idyllique et cette famille si proprette véritable iconographie de l’idéal démocrate on partage les inquiétudes de Chris… ça va dégénérer… Il apprendra très vite ce que c’est que d’être seul… D’autant plus qu’une garden party est prévue avec tous les proches de la belle famille. Ca promet !
Jordan Peele en bon maître du jeu manipule le spectateur autant que son héros. Tout est calé, millimétré et savamment orchestré. Il a pour cela un atout suprême, Daniel Kuluuya, jeune acteur de séries qui se révèle d’une redoutable efficacité tant par sa prestance que toutes les subtilités de son jeu. Tous deux sont de véritables révélations. Techniquement le film est satisfaisant, illustrant parfaitement un scénario à tiroirs. Ce que l’on pourrait lui reprocher c’est ce petit côté vieillot affiché sur la forme, qui n’est pas sans évoquer « Les chasses du comte Zaroff ». Mais ne nous y trompons pas nous serions plutôt ici dans l’univers de la comtesse Bathory.


Quant au message parabolique de tout cela, bien évidemment on ne peut qu’applaudir ! L’intégration, l’hypocrisie, les préjugés, l’insidieux néo colonialisme sont au cœur de ce conte horrifique. L’ambigüité entre l’irréel et le réel attend sa faille, dans « Get out » ce sera la temporalité. Plus on avance dans le récit, plus le fantasque laisse place à un incroyable schéma réaliste, qui d’un coup retient toute envie de rire. Le réalisme reprend ses droits, on tremble pour Chris !


Je ne pense pas que les producteurs aient cerné dès le début l’impact sociétal qu’afficherait « Get Out » n’y voyant que le premier degré. Avec cette véritable arme contre l’obscurantisme, Jordan Peele choisit avec intelligence le support idéal de communication (le genre horrifique) pour toucher « sa » cible, un public bien déterminé, la jeunesse. En cela, il remet au goût du jour le rôle historique du conte dans tout ce qu’il a de pédagogique et de moral. Malin vous avez dit ?

Fritz_Langueur
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le 16 nov. 2017

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Fritz Langueur

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