Rétrospective #22 : Godzilla Vs Destroyah (1995)

Clap de fin pour l'ère Heisei. 11 ans après le retour tonitruant de la franchise suivi d'une formidable dégringolade, la Toho clôture cette seconde ère avec une note des plus satisfaisantes. Je n'y croyais pourtant plus trop et ce même après avoir lu que c'était à priori un des préférés, tant du grand public que des fans, mais la Toho l'a fait.


Nous sommes cette fois introduits à Destroyah, créature au design parmi les plus réussis de la franchise et à la dangerosité élevée. Au travers de celui-ci, le film va rattraper les innombrables bourdes commises par les autres films en proposant un plot qui fonctionne, des persos majoritairement convaincants, un brassage de thèmes chers à la saga, des scènes de destruction satisfaisantes et j'en passe.


Commençons par les humains, et notamment le point sombre de ces derniers : Miki aka la femme douée de pouvoirs psychiques qui est hélas de retour. Ça sera donc le personnage ayant eu le plus d'apparitions dans la franchise avec pas moins de six films, couvrant toute l'ère à l'exception du Retour de Godzilla. Quelque part ça illustre bien mon décalage avec cette période. La Toho semblait être confortée dans cette direction or, selon moi elle a fait partie des éléments les plus bancals de la franchise. Disons-le une dernière fois : elle n'a pas de charisme et ne sait pas jouer, chacune de ses apparitions a donc été un challenge et son pouvoir est inutilisé. Signe supplémentaire de la faiblesse d'écriture de son perso, elle sert davantage à faire un pont avec les précédents qu'à jouer un véritable rôle.


Heureusement le reste du casting est plus convaincant. Portés par un plot qui embrasse à nouveau des thématiques écologiques qui font écho au Godzilla original ainsi qu'à l'époque à laquelle il était sorti - car mine de rien plus de 40 ans séparent ces deux films -, les humains font autant face aux conséquences de leurs actes qu'à une force de la nature qui les dépasse très largement et ça se ressent dans l'approche de leurs interprètes. Si le film se permet un peu de légèreté, les persos sont globalement sérieux, solennels, impliqués dans les évènements bref : réalistes.


Le mystère entourant Destroyah est sympatoche, faisant lui aussi écho au Godzilla original puisque comme ce dernier il a été en partie conçu à cause des humains et avec une explication ô combien plus legit que pour justifier la naissance de Space Godzilla par exemple. On sent aussi une toute petite petite vibe Alien et ça prouve qu'ils ont su piocher là où il fallait, puisque comme Alien on parle ici aussi d'une créature dépassant l'entendement des protagonistes et que ces derniers se tuent à traquer pour survivre avant que ce dernier ne devienne le chasseur.


Le ton aussi a subi un léger polissage avec ce sérieux qui englobe la majorité des évènements avec une véritable justesse, tout en restant un film de divertissement d'abord, cela va sans dire.


Visuellement aussi on a remonté la pente. Pas mal de plans composés réussis, des miniatures ajoutées dans l'eau pour redonner à Godzi un sens des proportions, des décors et véhicules plus détaillés, des explosions en veux-tu en voilà, des angles de caméra un peu plus variés, des effets visuels certes toujours très Power Rangers mais plus soignés... Rien à dire j'ai été très content devant les visuels offerts par ce film. Allez, on peut regretter une absence "d'iconisation" des destructions, mais j'imagine que c'est parce que j'ai été trop biberonné aux films comme Independence Day, Le Jour d'Après ou 2012 d'Emmerich (qui malgré la vacuité artistique de ses films propose parmi les meilleures scènes de destruction ever). Rien de bien grave donc.


Godzilla a rarement été aussi bien designé, animé, incarné. Je regrette cet effet rougeâtre sur son corps mais il répond à un besoin scénaristique précis, que l'on retrouvera dans le Godzilla KOTM : il est surchargé d'un point de vue radioactif et menace d'exploser. De fait nous avons presque une triple menace : Destroyah, Godzilla, mais aussi le risque nouveau qu'il explose et emporte avec lui l'humanité, et curieusement même si on reste dans des enjeux basiques de film catastrophe, ici ça fonctionne cent fois mieux que dans la plupart des autres films de la franchise. Ils sont clairement définis et perçus comme tels, et pas comme des prétextes pour foutre deux personnes costumées dans un champs vide pour se bagarrer. Je reprends le précédent opus pour comparer : Space Godzilla je ne me rappelle déjà même plus des enjeux du film. Là ça n'est pas pareil et ça fait du bien.


Destroyah est clairement un des monstres les plus réussis de la saga. Comme dit dès l'intro de cette critique il a un des designs les plus intéressants et réussis de la franchise. Dès lors ça le distingue déjà de pas mal de monstres qui faisaient parfois vraiment office de parodies costumées.


Son principe d'évolution (qui fait aussi écho au xénomorphe et aux insectes) permet de découper le film en plusieurs étapes distinctes qui iront crescendo, passant par un premier quart proche du Godzilla original à base de conversations et "enquêtes" pour déterminer la source des nouveaux phénomènes détectés, un second qui montre Destroyah évoluant à un stade "taille humaine" avec quelques scènes qui font presque penser à du Aliens, un troisième qui montre une étape plus massive et capable de voler, et enfin un dernier quart présentant un Destroyah au top de son style et de sa forme. On peut cependant pointer du doigt le temps d'évolution très variable entre chaque étape et l'apparition un peu inexpliquée d'autres mini Destroyah à 6min de la fin.


Bien qu'il ne soit pas parfaitement bien animé notamment quand il vole (un des aspects techniques que la franchise gère décidément le moins bien), les différents mouvements de sa tête et la façon dont il est cadré lui donnent malgré tout beaucoup de style. Finalement, le voir simplement planer au lieu de battre des ailes lui confère un aspect limite plus menaçant, comme s'il rôdait tel un vautour, surtout dans le troisième quart. Il est un peu moins convainquant une fois qu'il est sur-massif et qu'il vole.


Le film marque aussi le retour de bébé Godzilla, et vu l'approche faite je n'ai rien de bien méchant à dire, si ce n'est qu'à cause de ce dernier on se tape la psychiste fort peu utile. Un nouveau perso bien interprété aurait mieux fait l'affaire. Toujours est-il que je n'ai pas eu à chouiner une seule seconde, ils ont fait preuve d'audace en le faisant grandir et en l'abordant ENFIN comme un monstre et pas comme une saleté de peluche, et malgré tout ce que j'ai pu dire sur sa présence dans les films précédents, ce qui lui arrive ici permet de lui donner un semblant d'arc et d'importance tant à lui qu'à Godzilla.


L'approche plus mature se ressent aussi dans les gadgets. Finis les vaisseaux-robots débiles, on a tout au plus des chasseurs futuristes aux technologies très avancées et ça me convient.


Visuellement on a là le film le plus réussi de la franchise. Les plans composés sont moins nombreux mais les miniatures m'ont semblé bien plus détaillées malgré ce problème du faux métal toujours un peu persistant. La mise en scène de jour comme de nuit est équilibrée et plus quali qu'avant, les plans iconiques de monstres, contrairement aux plans de destructions, sont nombreux et satisfaisants bref, c'est un très bon point.
À noter toutefois un plan large involontairement rigolo où l'on voit au loin Destroyah traîner Godzilla par le cou grâce à sa queue le long d'une piste de décollage. Le combat final est riche en effusions et effets de toutes sortes, et parce que c'était le dernier film prévu par la Toho, on a la chance d'avoir des enjeux riches en conséquences (ou pas).


Les dernières minutes sont teintées d'une vraie mélancolie et si jusqu'à présent, à part quelques petites exceptions, j'ai toujours été moqueur quand la franchise tombait dans le mielleux, ici ça fonctionne fichtrement bien. Le jeu juste des protagonistes, la musique qui est solennelle sans trop en faire, la poésie mêlée à l'effroi de la séquence... franchement chapeau. On voit Godzilla se dissoudre, les nappes de neige et autres composés qui semblent faire leur effet sur la radioactivité (un des trous scénaristiques du film ou alors si vivement abordés) embaument les plans jusqu'à ce qu'on ne voit que des teintes de noir et de blanc, c'est joli.... Puis là on voit Godzilla dans le fond. What ?! Là par contre j'ai été un peu déçu, je pensais que le film avait eu le cran de le tuer mais en fait non. C'est terriblement dommage mais... c'est pas suffisant pour ternir le tableau, surtout quand on sait qu'il y a eu d'autres films depuis.


Cette conclusion à l'ère Heisei est aux antipodes de celle qui avait achevé d'enterrer l'ère Showa. Abordé avec bien plus de passion envers la saga, aidé par une expertise acquise au terme de 40 ans dans la confection de ce film de genre et une volonté manifeste de sortir par la grande porte, le film brille sur quasi tous les plans et s'installe sans peine comme la meilleure suite et un des meilleurs films de cette longue liste de 22 opus.

Chernobill
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le 25 avr. 2021

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