Bien avant de raconter l'histoire d'Edward et Molly, Miguel Gomes a entrepris son propre « grand tour » d’Asie, filmant plusieurs scènes documentaires pour un autre projet que la pandémie de Covid a interrompu : un manège circulaire en Birmanie, un karaoké aux Philippines, des marionnettes, pandas, et théâtres d’ombres, une démonstration de kung-fu à Bangkok, les moines Komusō (ces musiciens de rue mendiants au Japon), ou encore un incroyable ballet de scooters à Saigon filmé au ralenti sur la musique du "Beau Danube bleu".
Toutes ces images insolites, empreintes d’une beauté et d’une poésie infinies, sublimées parfois par la musique, se fondent dans le récit de l’histoire d’amour impossible entre Edward et Molly. Impossible, car il s’est enfui de Mandalay au moment même où elle arrivait de Londres pour l’épouser. Elle part à sa recherche, devine son itinéraire et lui envoie des télégrammes à chaque étape de ce long périple. Il est surpris et même un peu effrayé car son besoin de liberté semble irrépressible, mais Molly dont il dit qu'elle est « la femme la plus têtue du monde », refuse de renoncer. Tous deux finiront par se retrouver au même endroit, mais pas au même moment, je n'en dirai pas plus...
Magnifiquement filmé pour la majeure partie en noir et blanc, "Grand Tour" devient moins une romance contrariée qu’une méditation sur l’exil, une œuvre d’un cinéaste libre à l’imagination foisonnante.