On regarde cette projection un peu comme si on entrait dans un musée... On ne voit du reste pas un film mais une pièce de théâtre, comme bien souvent à l'époque : on n'y découvre que des huis-clos : le tribunal, le magasin d'articles de sports avec des vélos...
Un film psychologique sans action, mais avec un scénario qui à défaut de nous tenir en haleine, n'est pas sans intérêt...
Il est vrai qu'il a été écrit par Marcel Achard, entré à l'académie française en 1959, et qui a donné au cinéma ses lettres de noblesse. Mais il écrivait avant tout pour le théâtre...
Pourquoi "Gribouille" ? C'est (comme ce film) un mot qui a beaucoup vieilli, presque obsolète de nos jours, et qui désigne une personne sotte et naïve... En l'occurrence ce brave commerçant que le hasard désigne comme juré dans une affaire d'assassinat, et qui s'en trouve fort honoré...
Et qui pose une innocente question, aussitôt relayée par l'avocat de la défense, qui souligne l'intelligence et la clairvoyance de celle-ci...
Marc Allégret filme toute cette histoire avec talent mais ça sent le studio à plein nez : toujours ces fameuses racines théâtrales !
Evidemment, le clou du spectacle, c'est Raimu qui n'a aucune peine à endosser le costume de juré et qu'on découvre en patriarche familial respecté... Ca semblera incroyable à la jeunesse de ce millénaire.
Mais on découvre aussi avec surprise et admiration la prestation de Jacques Grétillat, avocat de la défense plus vrai que nature ! Disparu en 1950, et donc assez oublié aujourd'hui, cet acteur du théâtre de l'Odéon sut tout de suite prendre le train du cinéma en marche, et en tirer parti : sa carrière y aura une importante filmographie.
On aperçoit aussi en second rôle Bernard Blier qui ne fait qu'une apparition fugitive dans laquelle il ne peut guère exprimer son talent : c'est son premier film !
Grande déception par contre avec Michèle Morgan qui joue faux, qui s'exprime comme au théâtre, mais qui manque complètement de naturel et de crédibilité...
Ce film a 81 ans en 2018, et on pourrait presque en reprendre le scénario... mais la patine du temps a fait son effet : par moments, la bande son est très abimée comme si on entendait le moteur d'un vieux phonographe lisant un ancien 78 tours et ses crachotements nasillards...
France 3 le 04.03.2018