La méchanceté débile sous les apparences de la bonhommie relativiste

À travers cette papauté en déconfiture on sent l'expression d'un blues démocratique. C'est comme si cette volonté de désacralisation s'auto-invalidait fatalement, que la volonté de s'en prendre à l'autorité était devenue aussi sénile et débile que sa cible. La présentation de ces hommes d’Église et même de l'héritier de Saint-Pierre comme des papys routiniers, faibles ou simplets, instille un climat un peu absurde et lénifiant. C'est censé être une comédie piquante et compassionnelle, on assiste à une démonstration engourdie et pataude ; hormis le fantasme de progressiste étroit ou d'anticlérical vieillissant, il est difficile d'y trouver une quelconque motivation – sinon la revendication bizarre d'une joie piteuse à l'égard d'un pouvoir évanoui et de l'horizontalisation des rapports humains.


Mais le fond est trop mesquin. Qu'un pape soit une petite personne avec des envies enfouies et de la fatigue est recevable, mais qu'il soit présent exclusivement à la médiocrité, à l'ordinaire, ou à ses souvenirs et ses rhumatismes, tandis que sa religion et son esprit sont à ce point absents, est dans tous les cas délirant. À l'égard de ces hommes et de leur incarnation d'une institution fantomatique, le film semble avoir pour seul cap clair de ridiculiser, ou simplement tenter l'humour – avec cette 'vibe' à la fois agressive, obtuse et insipide propre aux gesticulations de Moretti, toujours prompt à accuser en jouant à celui qui doit partir et n'a donc pas le temps d'étayer. Nous sommes aux antipodes du Young Pope de Sorrentino, encore plus brutalement sceptique concernant la santé et l'intégrité du Vatican, mais qui, par fascination esthétique et par inclusion pragmatique [ou simplement considération des impératifs, opportunités et privilèges d'élites d'une cité-état par exemple], donne à voir une décadence catholique autrement pertinente – et tout simplement, malgré le mélange de déviance et de complaisance, réaliste.


Toute cette platitude servait mieux Mia Madre avec sa réalisatrice en plein réveil, mais aussi parce que le ressentiment et la vanité y étaient davantage mis à distance ; ou bien j'ai encore essayé de me convaincre de l'honnêteté de ce que produit Moretti et il ne m'aura pas trop ennuyé (La chambre du fils) ni lassé qu'avec ce film-là, ou son documentaire sur l'élection interne du Parti communiste italien en 1989 (La Cosa).


https://zogarok.wordpress.com

Créée

le 28 avr. 2020

Critique lue 289 fois

2 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 289 fois

2

D'autres avis sur Habemus Papam

Habemus Papam
Aurea
7

Panique au Vatican

Les pourpres et les ors pour élire un nouveau pape, transformant en Saint Père un vieux cardinal simple et discret interdit par une telle consécration. Panique au Vatican, fuite et subterfuges pour...

le 12 sept. 2011

71 j'aime

24

Habemus Papam
Torpenn
7

Je n'ai pas envie de lui chercher des crosses...

Ca faisait pas mal de temps que je n'avais pas pris autant de plaisir devant un film récent, moi... Alors que je pensais ce bon Nanni mort et enterré depuis dix ans (mon Dieu !... L'horrible Caïman...

le 20 sept. 2011

57 j'aime

58

Habemus Papam
Grard-Rocher
8

Critique de Habemus Papam par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le Vatican est en effervescence, le Pape est décédé. Les fidèles par milliers envahissent la Place Saint-Pierre afin de découvrir le nouvel élu. C'est à l'issu du Conclave que le monde connaîtra le...

48 j'aime

14

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2