Après s’être attaqué à deux pièces de théâtres de William Shakespeare pour en fournir un premier film tout à fait honorable à travers Henry V et l’extrêmement réjouissant et relaxant Beaucoup de Bruit pour Rien, Kenneth Branagh s’est tourné vers une nouvelle adaptation théâtrale avec la pièce la plus populaire de l’écrivain et dramaturge anglais : Hamlet qui a déjà eu le droit à une autre version ayant Mel Gibson et Glenn Close dans ses principaux rôles.


Dans le cas de cette adaptation, Branagh opte pour certains parti-pris pour conter la pièce du dramaturge : la principal étant de rester entièrement fidèle au matériau de base quand à ses thématiques et son déroulement mais surtout dans la conservation des dialogues et de quasiment chaque acte et scène de l’histoire. A partir de ça, le spectateur saura très vite si il adhèrera à ce que le cinéaste britannique mettra en image pendant une durée de plus de 4 heures, alors qu’une autre version moins longue de 2 heures et 25 minutes a également vu le jour.


Adapter une pièce de théâtre au cinéma n’a jamais été un défi aisé, quelque soit le cinéaste qui s’y attaque. J’avais déjà parlé du cas de Macbeth réalisé par Justin Kurzel dont la reprise des dialogues de la pièce et le ton imposé par l’esthétique du film et la réalisation pouvaient laisser certains sur le carreau. Sauf que là ça n’est pas Justin Kurzel, mais Kenneth Branagh, un acteur/réalisateur qui avait déjà un certain savoir faire visuel propre à travers sa direction artistique mais aussi de l’expérience dans le jeu d’acteur. Et qui n’était pas à son premier essai dans les adaptations de pièce théâtrale, à tel point qu’à chaque fois que je repense à cette adaptation, il m’est impossible d’être amère ou de ne pas être extasié face à ce qui me paraît être l’œuvre la plus aboutie du monsieur.


Parce que premièrement, cela m’a fait un bien fou de revoir une adaptation de pièce de théâtre qui n’a pas peur d’assumer son côté théâtral et verbeux chic de long en large. Que ça la fameuse tirade du :



Être ou ne pas être ? c’est là la question.



, la folie mortelle d’Ophélia, la rencontre entre Hamlet et le fantôme de son père, le meurtre accidentel de Polonius ou la pièce du groupe de théâtre mise en place pour piéger l’oncle, aucune concession n’est faite vis-à-vis de la pièce pour lui être fidèle.


Et cela est grandement aidé par une direction artistique absolument éblouissante. Et toujours mise en valeur à l’aide de la mise en image de Branagh à l’image de nombreux plan-séquences plus ou moins longs à l’intérieur du palais impérial pour filmer une architecture tellement vaste et symétrique qu’on s’y perdrait, du raccord d’une séquence à l’autre toujours bien pensé, des travellings propre, de la photo de toute beauté et des costumes baroque des personnages. On sent que ça vie, on sent que ça bouge, on sent que Branagh veut nous intéresser à l’histoire et qu’il se sent concerné par ce qui arrive à Hamlet et chacun de ses personnages, même les antagonistes tel que Claudius.


On le sent encore plus concerné à l’image du casting, et surtout face à sa performance qui porte en avant tout le film et qui est juste... formidable, je ne vois pas d’autres mots. Kenneth Branagh a souvent livré des performances très vive, endiablée mais surtout passionné (même plus que dans Beaucoup de bruit pour rien, c’est dire), mais là il en devient transcendant voire habité même dans la limite du sur-jeu théâtrale, comment puis-je m’ennuyer face à tant de merveille de sa part en plus de la réalisation ? Même dans Harry Potter et la chambre des secrets il ne rayonnait pas autant (je pèse mes mots quand je dis ça). Il bouge, il vie, il explose : IL EST EXTRAORDINAIRE !


Ce n’est d’ailleurs pas le seul, tout le reste du casting joue le jeu de la pièce en allant pour beaucoup dans la théâtralité assumée : Derek Jacobi donne d’ailleurs plus d’humanité à Claudius que dans la pièce ce qui est appréciable pour donner une touche d’ambigüité, Kate Winslet suscite notre sympathie à travers l’innocente et sensible Ophélia, Michael Maloney convainc lui aussi en Laerte fils de Polonius, Robin Williams remplit également bien sa part du contrat, et même à un Charlton Heston en caméo de luxe en interprétant le roi de Danemark dans la pièce piégeuse, ainsi que Billy Crystal pour un autre caméo sympathique en fossoyeur. Mon seul regret à formuler pour les acteurs c’est la présence de Gérard Depardieu en caméo de 3 minutes pour Reynaldo... sur 4 heures de film pour rappel, un peu triste pour un acteur français aussi bon et qui aurait mérité un rôle plus intéressant à l’époque.


Du coup, on croit aux liens qui lient certains personnages : on croit à l’amour que porte Laerte pour sa sœur Ophelia, on croit à la volonté de vengeance d’Hamlet au nom de son père assassiné, on croit même aux remords exprimés par Claudius lorsqu’il se confesse. Et surtout le respect vis-à-vis de la pièce permet de redécouvrir certains thèmes chers à Shakespeare à travers le travail esthétique et d’écriture de Branagh : la vengeance, l’amour, et surtout la folie, fictive comme réelle et le fil conducteur de tout ce qui scellera le destin des personnages.


L'ensemble étant soutenue par l'excellente bande-son de Patrick Doyle, le compositeur fidèle à Kenneth Branagh, qui livre de nombreux morceaux d'ambiance et d'accompagnement de qualité durant ces 4 heures, l'instrumentation restant en plus de cela très bien ancrée avec le style esthétique du film. Si cela ne surpasse pas certains de ses autres travaux, on ne peut pas nier la réussite de l'ambiance sonore apportée par le compositeur.


Cette passion pour conter cette pièce se ressent surtout dans les deux premiers tiers du film juste avant l’entracte, Branagh menant le récit avec énergie et brio pour y insuffler une atmosphère forte et envahissante. A l’image de sa rencontre en pleine forêt avec le fantôme de son père, nerveux et surréaliste ou de la mort de Polonius aussi belle que froide à voir. Le troisième et dernier tiers perd légèrement en intensité en raison de l’absence de Kenneth Branagh et gagne une ou deux longueurs (notamment lors de la scène du cimetière), mais rebondit au bond moment pour conclure à juste titre cette adaptation Shakespearienne.


Du coup, quand je repense à Hamlet, je ne peux que regretter que la carrière de Branagh en tant que réalisateur suit une pente descendante depuis quand on voit qu’il cumule plus de commande oubliable qu’autre chose à l’image du très lambada The Ryan Initiative. Cela dit, il a était capable de bien rebondir avec son remake live de Cendrillon chez Disney, et le projet de remake sur Le crime de l’Orient Express de Sidney Lumet peut l’aider à sortir de sa mauvaise pente. Le sujet peut être bien traité puisqu’il peut lui convenir en raison de l’époque ou se déroule le roman d’Agatha Christie et avec le savoir faire visuel de Branagh, et les choix de casting actuel, on peut avoir bon espoir. Même si je ne le vois pas atteindre l’excellence d’Hamlet qui est, selon moi, la meilleure adaptation d’une œuvre de Shakespeare que j’ai eu l’occasion de voir.

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