Hanna K.
6.1
Hanna K.

Film de Costa-Gavras (1983)

Hanna K. a beau être le deuxième film de Costa-Gavras tourné (majoritairement) avec des acteurs non francophones après Missing, sa précédente réalisation, j'aurais pourtant tendance à les opposer, ne serait-ce qu'au niveau du ton.

En effet, là où le second se révélait être sans ambiguïté quant au rôle des différents protagonistes du récit, le fait est que dans Hanna K., on se retrouve ici face à un long-métrage bien plus mesuré, moins frontal que ses précédents, pas une œuvre lâche ou aseptisée pour autant, loin de là (son bide étant en grande parti dû à ça), mais face à un film peut être encore plus tragique dans le sens où plus que jamais auparavant dans sa filmographie, une solution pacifique, tout du moins de moindre mal, ne peut être entrevue.

Pour le dire autrement, bien que Costa-Gavras prenne clairement parti pour le camp palestinien, à aucun moment le film n'est à charge contre les israéliens : il y a une véritable critique contre le sionisme par contre, sur le rôle de l'ancien oppressé qui finit par devenir l'oppresseur, sur le vol des terres. En cela, le personnage de Selim Bakri (Mohammed Bakri) symbolise parfaitement le palestinien, celui qui se considère ni comme arabe ni comme israélien, qui veut tout simplement réclamer ce qui lui appartient, retrouver son chez-soi, sa terre natale : on retrouve la question d'actualité qui est de se sentir comme un apatride dans son propre pays.

Un peu déçu de la relation entre la protagoniste, Hanna (Jill Clayburgh) et son amant, Joshua (Gabriel Byrne), par contre. On a beau savoir dès le début du film qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre, la présence d'une ellipse (une ellipse-circoncision qui plus est, il n'y a que dans Hanna K. que vous verrez ça) n'a fait que me donner l'impression qu'il manquait un bout de film (quoiqu'on pourrait très bien voir quelque chose de méta entre le bout de film en moins et la circoncision). Le bonhomme finissant par devenir une grosse merde, voyant des terroristes partout, des ennemis là où il n'y en a pas, quitte à en fabriquer de nouveau. C'est d'autant plus dommage que le personnage étant un procureur, on le voit souvent confronté à celui d'Hanna, avocate. On retrouve ici une sorte de « jeu » entre les deux personnages, ne se comportant pas de la même manière lorsqu'ils sont dans un tribunal, s'envoyant régulièrement des petites piques indolores lors de ces moments-là, suggérant que ce n'est pas grâce à la Justice, du moins celle qu'on nous présente à travers le film, que les palestiniens retrouveront leurs terres, qu'il s'agit d'une mise en scène plus qu'autre chose.

J'ai été surpris de retrouver Jean Yanne par contre (quoi que c'est une habitude chez Costa-Gavras de prendre des acteurs là où on ne s'attend pas à les voir), son personnage étant un peu « inutile », et à raison. Il représente la France : on la voit, on l'entend, mais elle se révèle un peu inutile dans l'histoire.

Reste à mentionner Hanna, personnage central du film, qui incarne ces israéliens mesurés, antisioniste, qui tentent de faire au mieux, tout en ayant bien conscience que les solutions proposées, pour le conflit qui leur est présenté, apportent plus de négatif que de positif. Critiquée pour ne pas proposer de solutions concrètes, on la retrouvera très souvent confrontée face à des personnages n'hésitant pas à user et à abuser d'arguments irrationnels, voir à la harceler. Personnage central du récit, certes, mais peut-être un peu trop apathique à mon goût.

TL;DR : les personnages centraux du récit incarnent tous une position quant au conflit israélo-palestinien, plus ou moins ancré dans l'idéalisme ou le pragmatisme.


Hanna K. a beau être un long-métrage plutôt oublié, dans la filmographie de Costa-Gavras, aujourd'hui (son deuxième le moins populaire sur SensCritique), reste qu'on y retrouve sa patte, ses nombreuses particularités et autres thématiques : l'humanisme, la présence de « dossiers », l'ancrage du côté des vaincus, la responsabilité individuelle, l'injustice, la confrontation des points de vue… Forcément, inutile de préciser que le long n'a jamais autant résonné avec l'actualité, ce qui fait qu'il a sensiblement mieux vieilli qu'un Section spéciale selon moi. Ça ne fera pas d'Hanna K. le meilleur film du réalisateur pour autant, encore une fois, les problèmes de rythme jouent contre lui, reste qu'on est ici face à un long que beaucoup auraient tout intérêt à découvrir ou à redécouvrir aujourd'hui.


Je profite aussi de cette critique pour vous recommander le visionnage du making-of, En filmant Hanna, présent dans le coffret n°1 disponible sur la boutique Arte. Ce making-of, ou plutôt ce documentaire, puisque le film a été tourné en Palestine, permet d'en apprendre davantage sur les lieux filmés, sur la destruction de certains villages palestiniens (Sepphoris notamment, bien que j'aie été surpris d'apprendre que Nazareth a aussi failli y passer), ou encore sur le fait de se sentir étranger dans son propre pays… encore une fois, rien n'a changé.

MacCAM
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le 31 mars 2025

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