« Histoire de Judas » est une approche du parcours de Jésus Christ fondamentalement différente par rapport à ce qui nous a été donné de voir jusqu’à présent. Tout d’abord, par le choix d’un récit vu par le prisme de Judas qui n’est plus ici le traitre par excellence mais un disciple engagé, passionné et profondément fidèle à son maître spirituel. Le Christ lui-même est très éloigné de l’image factice qu’en a donnée par exemple un Zeffirelli (le transformant en homme diaphane, totalement immaculé, à la barbe impeccablement taillée). Très loin également de la version torturée, voire expiatoire d’un Mel Gibson, on se rapprocherait plus ici de Pasolini, quoique… Car c’est le prophète, bien plus que le messie, que met en valeur Rabah Ameur-Zaïmeche, s’attachant à l’émergence de celui qui provoquera, plus tard l’adhésion de nombreux croyants à travers le monde. Un parcours digne d’une tragédie antique (comme le souligne d’ailleurs l’ensemble des décors entre ruines et désert), un destin dont la fin prématurée est annoncée, voire désirée. Un sentiment d’une énorme tristesse traverse chacun des protagonistes, il est le signe d’une société qui se meut, évolue, mais aussi d’une fin, en quelque sorte, pour chacun d’eux, entre Judas qui perd son guide, Pons Pilate qui voit « son » empire s’effriter et le peuple désorienté ou abandonné. L’ascétisme apporté à la mise en scène concède au film une vraie force spirituelle, son esthétisme une véritable fascination. « Histoire de Judas » ne s’attache pas qu’au seul fil du récit (Bethsabée, toilette des pieds, la cène…) ou mise en situation de répliques, ils sont ici sublimés par un ensemble de détails visuels digne de certains orientalistes dans les scènes de genre (on pense à Emile Marquette notamment), ou des grands maîtres de la peinture sur les scènes clés (Carl Heinrich Bloch, Rembrandt, De Messine, Van Honthorst…), un scénario parfaitement structuré et limpide et des acteurs sincères et convaincants. Ce film d’une incroyable beauté exprime l’intériorité, à l’écran, mais également la notre et nous fait nous interroger sur le prix du sacrifice (la mort), l’engagement (jusqu’où serions nous prêt à aller par conviction ?) et la vie (dans ce qu’elle a de plus éphémère). Il joue également et de manière très habile sur la symbolique. Ainsi le Christ portant un âne (symbole de l’ignorance, d’obstination, de méchanceté de paresse et de luxure) comme un fardeau, ou la présence de Karabas, ou le titre lui-même jouant sur une ambivalence (est-ce l’histoire de Judas ou des Judas que sont les non croyants dont il s’agit ?), ou encore le présage des stigmates…. Tout contribue à faire de « Histoire de Judas » un grand film qui trouvera, on peut l’espérer, son public.

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le 28 avr. 2015

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Fritz Langueur

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