Dès sa première scène, Hostiles attrape aux tripes, un sentiment de jouissance mêlée à un réalisme accrue, cet opening est un digne successeur de celui d'Inglourious Basterds.


Scott Cooper est décidément un réalisateur à suivre, son récent Black Mass n'avait beau pas avoir la qualité du superbe Out of the Furnace, il n'en restait pas moins intéressant.
Je n'avais pas particulièrement d'attentes face à ce nouveau film, je savais que je le verrais mais je n'ai même pas souvenirs de mettre intéressé plus que ça à l'oeuvre, aux avis, ni même aux trailers.
C'est donc forcément une surprise de taille que Cooper m'apporte ici.


Hostiles, j'aime beaucoup l’ambiguïté de ce titre, car bon nombre de Western Américain nous place justement du coté des Américains, les autres, notamment Indiens évidement sont les méchants, les vilains peaux rouges qui tuent sans pitié et avec cruauté les gentils Américains.
Le titre pourrait donc nous faire croire que ce sont les Indiens ces fameux hostiles, mais il ne faut pas oublier le massacre causé par l'homme blanc, bien plus cruel, volant les terres en déciment des familles et tribus entières. Ce qui laisse penser du coup que dans ce film, les hostiles sont les ricains, facile comme déduction, mais le trajet de ce road trip rocailleux et poussiéreux montre que l'hostilité est en chacun de nous, qu'il peut surgir à tout moment, et même qu'une bonne personne peut avoir fait ou penser à des choses horribles.


La chose remarquable de ce western, c'est de justement casser les codes du western ricain qu'on a bouffé à la pelle il y a quelques dizaines d'années, comme avait su le faire Clint Eastwood avec son Impitoyable. Cooper, s'il ne passe pas à coté d'un certains classicisme à quelques endroits, notamment sur la fin, ne tombe pas tête la première dedans, et à coté de ça, offre des scènes mémorables soutenues par une mise en scène sobre et crue.
La séquence dans le champ vers la fin, celle qui remet en question tout le voyage, qui trouvera sa finalité dans son parcours et non pas à son arrivée pour le moins violente, est magique, cet échange désespéré entre le propriétaire des terres et le personnage de Bale, arrivé au bout de la compréhension humaine, qui veut en finir avec cette bêtise propagée entres les races et les hommes tout simplement, est très très fort. Ce n'est évidement pas la seule séquence impressionnante, cette puissance peut surgir aussi bien d'une fusillade que d'une discussion, d'un dialogue entre deux amis ou deux inconnus.


J'avais cependant lu des reproches, comme la lenteur ou le fait qu'il ne se passe rien pendant le film. Alors si pour la lenteur je ne peux que le confirmer, elle ne m'a aucunement dérangé soit dit en passant, pour l'aspect vide du film, là je dis non !
Il y enferme peut être trop de choses le Scott au contraire, c'est un film focalisé sur l'humain avant tout, et nombreux sont les moments ou dialogues où cette humanité se joue justement, et ne sachant pas exactement combien le trajet dure au final dans l'histoire, les changements de comportements peuvent paraître rapides et nombreux. Ce n'est ni un reproche ni un bon point, la subtilité n'est pas à son maximum mais le tout trouve une harmonie.
Hostiles est donc tout sauf vide, la force de placer les personnages au sein de plaines, montagnes et autres décors naturels magnifiques, est justement là pour nous focaliser sur l'essentiel, les personnages. Absolument tous, vraiment TOUS d'une justesse remarquable. A mon habitude j'aime saluer le plus de monde possible, citer tous les noms, mais je sens que ça va être long.
Christian Bale, pour sa deuxième collaboration avec le réalisateur, bouffe l'écran, genre de film indispensable en version originale d'ailleurs. D'un regard, de sa posture, on sent tout le passé de son personnage et ça c'est bon dieu de rare, de sentir ça, de sentir le personnage, aussi complexe soit-il.
S'il était le seul à pouvoir amener cette puissance, au point d'en monter les larmes, mais non, Rosamund Pike les gars, la scène où elle décide d'enterrer sa famille seule, qu'elle n'arrive pas à creuser la terre, cette désespérance, ce crie poussé bon sang ! Que dire ?
Wes Studi lui incarne son rôle comme il le faut, mais n'ayant pas à jouer sur les mêmes émotions, il bluffe forcément moins, tout en étant très juste.
Mais merde quoi, ce casting dingue déjà, mais parfait en plus, Jesse Plemons, Rory Cochrane (fabuleux), Timothée Chalamet (il est partout !), Bill Camp (que j’affectionne particulièrement), Stephen Lang, Ben Foster, Paul Anderson, ou encore Q'orianka Kilcher qui avait déjà croisée Bale dans Le Nouveau Monde.


Un casting remarquable donc, parmi lequel j'oubli forcément des noms. Une chose que j'admire d'ailleurs et qui se fait rarement au cinéma, c'est d'avoir un tel casting de malade foufou et de le dispatcher sur toute la longueur du film. Je trouve ça très malin et original, de ne pas avoir une poignée de personnages principaux et de voir des têtes connues en seconds rôles le temps d'une scène ou deux, mais bien d'avoir un casting solide et plein de surprise de bout en bout. Comme pour Ben Foster que je ne savais même pas au casting, hyper surpris et content de le voir apparaître au bout d'une heure si ce n'est plus.


Scott Cooper joue ainsi avec le western classique, en y imputant sa patte et son originalité. D'une lenteur contemplative superbe, d'un cadre aussi simple que marquant, ou encore d'une bande originale que j'ai malheureusement déjà oubliée mais qui me semblait forte émotionnellement.

Les décors naturels j'en ai déjà parlé brièvement, sont beaux quoi, tout bonnement, c'est la nature, c'est beau, c'est épuré, digne d'un western. L'ambiance est là, prête à bondir comme à être magnifié d'un geste, fort d'un casting d'une perfection inouïe.


En bref, un très beau film, bardé de qualités, qui aurait cependant pu éviter un trop plein de psychologie et un classicisme à quelques endroits. Rien de bien vilain en tout cas pour ce drame humaniste qui tend bien plus vers l'espoir que vers la fusillade gratuite.

-MC

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