Bienvenue sur nos territoires hostiles.

Il est dit que les paysages façonnent le caractère des hommes. Si l’on songe aux vastes étendues sauvages de ce qui est devenu l’Amérique, on pense aux déserts arides ainsi qu’aux forêts denses. Dans les deux cas, les hommes semblent tels fourmis face à l’immensité des espaces et deviennent, par la force des choses, « Hostiles ».
Dès les premières images du film, la nature prend tout l’espace, l’homme et ses réalisations semblent bien minuscules, comme écrasés et pétrit par la force de dame Nature.
Masanobu Takayanagi filme en lumière naturelle et délivre de superbes images qui oscillent entre la clarté âpre du soleil et les nuits sombres et pluvieuses. En lieu et place de la démonstration visuelle, il installe une apparente simplicité (aux cadrages très travaillés) qui sied à merveille pour porter l’intensité des paysages à l’écran. Cette emprunte visuelle, véritable ode à la nature, est secondée par la sublime musique de Max Richter qui sait se faire rare et tout autant pertinente.
De la séquence d’introduction, jusqu’à la fin du périple, Scott Cooper impose une tension omniprésente qui n’est entrecoupée que par le rythme volontairement lent de cette excursion à cheval.
Tout en retenue, ces hommes, qu’ils soient Améridiens ou « civilisés » sont, au final, tous sauvages, portés par la conquête ou la préservation de leurs terres et doivent suivre les ordres, souvent contestables de leurs chefs ou de leur président (rien n’a changé depuis !).
Le mutisme des hommes de l’époque est superbement porté à l‘écran par des acteurs, tous excellent dans leur retenue, à l’image des 2 chefs de file, Christian Bale et Wes Studi.
Les femmes, ne sont pas en reste et même si elles en prennent pour leur grade, elles parviennent, par petites touches, à apporter un peu de douceur fort bienvenue dans ce monde de brutes. Rosamund Pike nous livre de bien belles et touchantes performances (surtout dans le registre de la douleur).
Les costumes sont absolument remarquables et travaillés dans les moindres détails, la reconstitution d’époque est minutieuse et mérite, elle aussi, bien des récompenses.
Empreint d’une profonde humanité, ce voyage dans le temps totalement lyrique nous plonge dans les abysses du regret, de la rédemption et des conflits intérieurs. Ces destins croisés d’une autre époque résonnent fortement sur notre présent : traitement et considération des prisonniers ennemis, horreurs de la guerre et obligations des soldats de réaliser l’ignominie sans broncher puis vivre avec un immense poids sur la conscience… Sans oublier les politiques migratoires des exclus par des conflits.
La scène de fin est totalement bouleversante, certaines scènes vous percent telle une balle de colt 45 tirée à bout portant, d’autres vous scalpent en plein vol et, fort heureusement, il subsiste çà et là des scènes d’une incroyable douceur (ne pas manquer celle sous la tente).
Ce petit chef d’œuvre, qui évite bien des caricatures d’un genre tombé en désuétude, marque très lentement, au fer rouge et pourtant, on en redemande.

ATHMOS
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 de 2018 et Les meilleurs films de 2018

Créée

le 19 mars 2018

Critique lue 308 fois

1 j'aime

ATHMOS

Écrit par

Critique lue 308 fois

1

D'autres avis sur Hostiles

Hostiles
Behind_the_Mask
9

Retour à la terre

Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...

le 14 mars 2018

99 j'aime

18

Hostiles
Sergent_Pepper
7

« We’ll never get used to the Lord’s rough ways »

“The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted.” La citation de D.H Lawrence, en exergue, et reprend le flambeau du grand western : coucher sur un papier...

le 15 avr. 2018

90 j'aime

6

Hostiles
guyness
7

Huns partout, Bale au centre

Aïe aïe aïe... Il ne faudrait surtout pas que la suite de la carrière de Scott Cooper soit calquée sur les dernières vingt minutes de son film. Le garçon est capable de fulgurances, on le sait depuis...

le 21 mars 2018

88 j'aime

44

Du même critique

Empire of Light
ATHMOS
7

Les illusions retrouvées.

Cette année, plus que jamais, le cinéma fait son introspection. Après le turbulent « Babylon », l’intime «The Fabelmans », désormais nos écrans diffusent le bien nommé « Empire of Light ».Cette...

le 2 mars 2023

12 j'aime

Vesper Chronicles
ATHMOS
7

Cronenberg rencontre Dark Crystal !

Il est à craindre que Vesper Chronicles ne va pas trouver son public. Entre passages un peu trop crus pour les enfants et un rythme lent qui risque de peiner les adultes, cette dystopie vaut pourtant...

le 18 août 2022

11 j'aime

2

La Vie scolaire
ATHMOS
9

Le zeste des ZEP, ça pique les yeux mais ça fait rire !

Commencer une critique de film en racontant une anecdote personnelle peut sembler étrange mais croyez-moi, cela fait sens. Dans les années 90, j’ai effectué mon service militaire en tant que pion...

le 27 août 2019

11 j'aime