Les nominations des Oscars 2015 sont comme souvent un évènement majeur dans le monde du cinéma. A un tout autre niveau que les Césars, les Oscars représentent Hollywood et sont donc toujours attendu avec une grande impatience. Pourtant, si la surprise, les accords, les désaccords ou même la colère de ne pas voir son film favori nommé se chevauchent, on ne peut nier que depuis quelques années on arrive à déceler le potentiel « oscarien » des films dés leur sortie en salles ; Souvent, cela se voit même dés leur première bande annonce. Ainsi, certains films se trouvent étudiés et analysés, à défaut d’être vus comme de simples divertissements. Imitation Game ne déroge pas à la règle : il est même le parfait exemple d’un film calibré pour les Oscars et c’est sans surprise qu’il totalise huit nominations, dont celle du meilleur film.
Au vu de la bande-annonce, on pourrait croire que le film prend le parti de nous faire découvrir les circonstances de la création du premier ordinateur, rendant ainsi hommage à Alan Turing dont le nom n’est pas forcément connu si l’on n’est pas de la profession. Pourtant, c’est un tout autre virage que prend le film en nous parlant beaucoup plus de l’homosexualité de Turing, relayant presque son invention au rang de sous-intrigue. En effet, comme il est maintes fois répéter dans le film, il ne faisait pas bon d’être homosexuel en Grande-Bretagne à cette époque, et Turing doit donc tout faire pour cacher son attirance pour les hommes. Ce film a une résonnance particulière en France puisque la question des droits des homosexuels reste tabou malgré l’évolution de 2013 avec l’adoption de la loi pour le mariage pour tous qui avaient défrayé la chronique entre 2012 et 2013. Ainsi, quand on voit la manière dont devaient se cacher les homosexuels lors de la Seconde guerre Mondiale dans des pays libres, on reste penauds. Pourtant, la façon de traiter ce sujet est discutable. C’est au travers de lourdeurs scénaristiques et de violons sortis qu’on nous montre cela : on a l’impression d’être conditionné à s’apitoyer sur la condition de Turing et des homosexuels à cette époque. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose mais le fait d’essayer de pousser le spectateur dans ses retranchements n’est pas quelque chose d’universel et ne marche pas à tous les coups. De ce fait, à la manière d’un Twelve years a slave qui usait du même artifice, avec un autre sujet qui était celui de l’esclavage, Imitation Game rabâche trop souvent son propos sur les conditions des homosexuels, alourdissant le film. Twelve years a slave était d’ailleurs à l’époque l’illustration même du film fait pour les Oscars et était reparti avec plusieurs statuettes dont celle du meilleur film.
Dire que la création du premier ordinateur est cantonné au rôle de sous-intrigue peu paraître un peu fort. Pendant la première partie du film, il est en effet question de ce à quoi la bande-annonce avait préparé, c'est-à-dire casser la machine Enigma, raccourcir la guerre, la gagner. Simple mais efficace. Le film se perd hélas dans son aspect biographique et se concentre, on l’a dit, sur la vie amoureuse impossible de Turing. Casser Enigma et la création du premier ordinateur est pourtant beaucoup plus intéressant et restent les moments les plus importants du film. Sur cette partie de l’intrigue, on ne peut donc pas dire grand-chose, tant elle est noyée dans le propos principal du film. On pourra cependant noter que la place de la femme est abordée, de loin, dans le film via le personnage de Keira Knightley : Joan Clarke.
Pour ce qui est du jeu des acteurs et de la mise en scène, si cette dernière est tout à fait honorable, elle n’est pas exceptionnelle et ne change pas d’une mise en scène presque classique, mais le jeu des acteurs est le point le plus intéressant du film. Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Mark Strong, Matthew Goode, Charles Dance… Des noms connus de l’horizon cinématographie et télévisuel et des figures montantes également. Le jeu est donc excellent, les acteurs réunis ici faisant partie du gratin de la nouvelle génération d’acteurs à Hollywood. Le jeu de Cumberbatch est d’ailleurs au centre du film et il incarne un Alan Turing drôle dans son autisme. Hélas, même le niveau d’excellence du jeu des acteurs fait parfois défaut au film. Ainsi, en voulant incarner un Turing autiste mais accessible au commun des mortels, Cumberbatch le parodie presque et lui donne une personnalité quasi clownesque. Néanmoins, le jeu reste du plus bel acabit, et Cumberbatch nous livre une prestation exemplaire sur son ensemble, atteignant son paroxysme dans la scène finale.
En conclusion, Imitation Game est taillé pour les Oscars, et ce à tout niveau. Le réalisateur ne se mouille pas le moins du monde et construit un film populaire, lui assurant une place au panthéon des films récompensés. Comme pour Twelve years a slave, tout est fait pour que ce film grimpe les échelons, on le sent a chaque scène, et c’est triste car le réalisateur passe à côté de quelque chose. Et c’est aussi avec le recul qu’on se rend compte de cela. En sortant du film, on est content et presque enjoué du résultat, pourtant le fait que tout soir calculé est indéniable et casse le film. Dommage.
BastienMagadoux
5
Écrit par

Créée

le 16 mars 2015

Critique lue 314 fois

BastienMagadoux

Écrit par

Critique lue 314 fois

D'autres avis sur Imitation Game

Imitation Game
Samu-L
6

The Mitigation Game

Assurément, les gens qui ont déclaré ce film comme étant le meilleur de 2015 n'ont pas du voir beaucoup de biopic dans leur vie. The Imitation Game est un biopic réussi, mais qui ne s'écarte jamais...

le 1 avr. 2015

89 j'aime

16

Imitation Game
Docteur_Jivago
3

En route pour les oscars...

C'est durant la Seconde Guerre mondiale qu'Alan Turing a participé à la conception d'une machine pouvant craquer les codes d'Enigma. Brillant mathématicien et informaticien britannique, il aura...

le 17 janv. 2015

86 j'aime

19

Imitation Game
Strangeek
6

And the oscar goes to...

Après l'habituel soupir d'exaspération à chaque annonce de biopics, je me suis tout de même renseigné sur l'histoire de ce mathématicien anglais atypique héros de l'ombre de la 2nd guerre mondiale...

le 15 janv. 2015

75 j'aime

12

Du même critique

Avengers - L'ère d'Ultron
BastienMagadoux
7

Avengers 2.0

Ca y est. Ils sont de retour. Après trois longues années d’attente, Marvel et Joss Whedon réunissent à nouveau la plus grande équipe de super-héros. Captain America, Iron-Man, Hulk, Hawkeye, Black...

le 4 mai 2015

The Voices
BastienMagadoux
7

The slice of life

S’il est un genre que l’on a tendance à oublier, c’est bien celui de la comédie horrifique. Ce genre est à différencier des films comme Scary Movie (et leurs suites) qui sont, eux, des films...

le 3 mai 2015