Après avoir vu trois fois « Jeanne Dielmann… »j’avais besoin de découvrir un peu plus la filmographie de Chantal Akerman. J’ai vu « Les amours d’Anna », sans conteste, une réussite et 4,5/5 pour moi. « Je, tu, il, elle » m’a moins emballée même si la photographie y est exceptionnelle. Le film est à la fois déconcertant et intéressant. Chantal se met à nu pas au sens où l’on pourrait le croire. En trois partie, le film interpelle. Durant la première il s’éternise sur une femme plus ou moins enfermée sur sa solitude, se gavant de sucre, noircissant des pages d’écriture destinées à son amoureuse qui vient de la quitter. Sa Vie en huis clos consiste à supprimer les meubles de son espace, vivre à ras le sol sur un matelas et étaler les pages noircies. Elle s’adosse au mur à côté de la fenêtre pour réfléchir semble-t-il, après s’être dévêtue, allongée sur son lit, recouverte de ses vêtements puis s’être rhabillée. Plans impudiques sans l’être. Ensuite arrive la 2de partie complètement à l’opposé de la première, bruyante cette fois-ci. Julie sort, fait du stop le long d’une autoroute. Elle sera véhiculée par un camionneur interprété par Niels Arestrup, 25 ans à l’époque. Dans la cabine elle l’observe et l’écoute raconter sa vie attentivement. La caméra est braquée sur Niels, de profil, Chantal n’apparaît que sur le côté, buvant les paroles du conducteur. Ils feront deux haltes, pour se restaurer. Serrant les mains d’autres chauffeurs-routier accoudés au bar. On perçoit l’embarras de Niels à présenter celle qui l’accompagne. Lors de la première halte, Julie observe son chauffeur durant une toilette sommaire et surtout un rasage de près. La scène est belle et magnifiquement photographiée. Julie/Chantal est scotchée à côté du miroir attentive aux gestes de son chauffeur. Ensuite on les voit attablés à côté du bar. Quelques regards échangés entre eux en disent bien plus long que les paroles quasi inexistantes. Ils remontent dans le camion et cette fois-ci, Niels vide son sac, se raconte comme jamais à Julie à laquelle il parle de sa rencontre avec sa femme guère plus âgée que son auto-stoppeuse, l’arrivée de leur premier enfant, le délitement de son couple. Julie semble à la fois attentive et amusée. Plus tard après une deuxième halte, l’on devine ce qu’il se passe entre eux, commenté par Niels, à coups de plus vite, plus doucement etc etc.. Puis il s’effondre sur son volant, fatigué. Sans réelle transition il l’a dépose juste à l’endroit où habite son amie, laquelle hésite à lui ouvrir de l’interphone. Julie est d’abord repoussée par son amie, puis servie sur un plateau. Elle avale goulûment des tartines et réclame à boire, sans échange plus que cela avec celle qui la sert. S’ensuit une jolie scène évocatrice de leur relation. Julie dévoile légèrement le haut du chemisier de son amie, laissant deviner la naissance des seins. Elles vont dans la chambre. Julie sait qu’au matin, elle devra partir. L’on assiste à un corps à corps fougueux, après un manque évident, comme si c’était sans doute le dernier. Il s’éternise pour ensuite aboutir à des caresses plus précises de la part de chacune, mais il m’a semblé que Julie était plus demandeuse que son amie. Belle photo au petit matin en les voyant endormies l’une contre l’autre, semblant sereines et satisfaites. Brusquement Julie s’arrache des bras de son amie, se lève, ouvre les rideaux, baignant de lumière la chambre. Elle n’a pas oublié qu’elle devait partir au matin, comme le lui a fait entendre son amie. Elle s’habille et part en claquant la porte. Désappointée? Et nous avec. Un premier long métrage tourné en 1974, lorsque Chantal Akerman avait 29 ans et sorti en 1976, après son film expérimental « Jeanne Dielmann… » sorti en 1975. Un cinéma particulier à découvrir sur Arte replay.

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le 6 mars 2025

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