Le corps d'Elisa, superbement incarnée par Céline Sallette, a été refusé à sa naissance, puisque cette belle jeune femme, à présent kinésithérapeute, s'est trouvée abandonnée. Magnifique exemple de résilience, elle offre aux autres ce qui lui a été dénié, puisqu'elle pétrit, masse, caresse leur corps, le recueillant même parfois entre ses bras en position fœtale et le soulevant comme un œuf.


A la faveur d'une traversée de crise dans son couple et dans son rapport à l'enfant qui en est issu, elle s'est installée à Dunkerque, où elle est née et où elle se lance à corps perdu dans la recherche d'une mère, de sa mère.


Ounie Lecomte traite avec beaucoup de sensibilité cet aspect du film, les entretiens avec l'excellente Catherine Mouchet, qui seconde et canalise Elisa dans sa quête, la douleur d'enfant qui taraude encore celle que l'on pourrait croire, extérieurement, bien installée dans sa vie, mais qui semble en réalité toujours au bord de subir un avortement ; au point, d'ailleurs, de le faire pratiquer contre le nouvel enfant qui a tenté de s'installer en elle.


Et c'est ici, regrettablement, que sont atteintes les limites du film. On aurait voulu rester totalement sous le charme du regard bleu de l'héroïne, qui s'immobilise comme un petit animal traqué lorsque son interlocuteur touche juste et voit clair en elle, ou bien lui apprend une nouvelle qui la trouble. Mais on est bridé, dans ce mouvement d'adoration inconditionnelle, par le caractère un peu trop grossièrement démonstratif du film. Pourtant émus par cette marche à pas incertains d'une mère et de sa fille l'une vers l'autre - puisque le hasard va les mettre en présence, et même assez étroitement -, on regrette les échecs insistants du rapport au fils, garçonnet constamment grognon et bougon, ne cessant ses colères que pour fuguer et provoquer aussitôt, dans son entourage, les plus vives angoisses.


On l'a compris : tant qu'Elisa n'aura pas retrouvé sa mère et réglé ainsi son problème avec l'ascendance de la maternité, elle ne saura, elle-même, être une bonne mère avec sa descendance... On connaît pourtant la subtilité et la délicatesse dont Ounie Lecomte est capable ; qualités qu'elle a manifestées dans son précédent film, de 2009, UNE VIE TOUTE NEUVE. Elle n'avait donc pas besoin d'exposer de manière si insistante le gâchis du rapport à l'enfant - et à l'homme, par la même occasion -, pour faire ressentir aux spectateurs de son film la béance et la ruine laissées dans le corps d'une femme par cette absence de mère en elle.


On voudrait pouvoir ne retenir du film que le volet portant sur la très belle et fragile reconstruction d'un lien par delà l'abîme des années et sur la conquête, par une fille devenue adulte, d'une mère toute neuve...

AnneSchneider
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le 18 janv. 2016

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Anne Schneider

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