Délicieusement effrontée, cette chronique d’une jeune fille de 17 ans s’adonnant à la prostitution ne raconte pas grand-chose, mais le raconte bien. Une tranche de vie décomplexée au cours de laquelle Ozon continue d’explorer les vices de la petite bourgeoisie qui s’ennuie.

Avec ses grands yeux ingénus et son visage d’ange tout juste sorti de l’enfance, Marine Vacth, qui n’a besoin que d’un chemisier emprunté pour se métamorphoser en femme fatale, nous ensorcelle. Nul doute qu’Ozon a trouvé là une nouvelle égérie qui fera parler d’elle. À l’instar de Rimbaud, son personnage n’est pas sérieux, malgré un regard désabusé sur les excès des jeunesses de son âge.

Mais à l’inverse de Julia Leigh qui prêtait à son Sleeping Beauty un trait malsain extrêmement prononcé tandis que son héroïne se perdait d’expériences glauques en traumatismes, François Ozon ne cherche pas à choquer. Malsain ? Un petit peu, certes, car le jeune âge de son héroïne, en contraste avec celui de ses clients, a forcément des relents de pédophilie ; un sentiment renforcé par son quotidien en famille. D’ailleurs, un petit frère complice (et un peu pervers, ce qui ne manque pas d’ajouter certains malaises gratuits) et une mère inquiète ancrent le récit dans une réalité qui ne manquera pas de nous toucher.

“Léa”, son alter ego escort girl, n’est pas une victime – malgré ce qu’en dit la loi : très sûre d’elle, elle prend ses décisions et semble même parfois s’amuser des jeux de pouvoir que lui confèrent ses escapades en compagnie d’hommes mariés. Le tout dans cette atmosphère de langueur sensuelle dont nous savions déjà Ozon capable – ah, je reverrais bien Swimming Pool…

Jeune & Jolie est une simple oeuvre de passage à l’âge adulte, interprétée avec grâce. Son titre, qui n’est pas sans rappeler le magazine pailleté de nos jeunes années, est finalement terriblement ironique, car il piétine justement l’innocence enfantine et l’adolescence idéale que nous vendait la fameuse parution. Un humour noir qui parsème l’oeuvre de petits pics bienvenus, dédramatisant la lourdeur du sujet traité. On aime et se laisse charmer par les légère provocations de Marine Vacth – comment lui résister ?

Alourdi par quelques clichés old school – aaah, le petit monde du drame français où se frotter 20 secondes à un coussin suffit à obtenir un orgasme ! et les lycéens analysent Rimbaud comme des Khâgneux – certains acteurs peu convaincants – dont une scène d’hystérie mémorable – et un scénario un peu léger, Jeune & Jolie reste néanmoins captivant, mené par la prestation fascinante de son actrice principale.
Filmosaure
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le 21 mai 2013

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