Fissure familiale face au brasier idéologique.

Pierre (Vincent Lindon), cheminot veuf, élève seul ses deux fils : Louis, étudiant prometteur, et Félix aka Fus, plus en difficulté. Fus se laisse peu à peu séduire par des groupes d’extrême droite, ce qui fracture le lien familial et bouscule les valeurs, l’amour, la loyauté. Le film se situe dans une Moselle contemporaine marquée par la crise sociale et les tensions identitaires.  


Ce qui marche

  • Le jeu des acteur·ices : Vincent Lindon crève l’écran. Sa présence, son silence, ses hésitations sont souvent les moments les plus forts du film. Les critiques saluent son interprétation qui lui a valu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à Venise. Benjamin Voisin (Fus) et Stefan Crepon (Louis) forment un duo crédible : l’un dans la rage, l’autre dans la distance, et tous deux travaillant les nuances de leurs personnages.  
  • Sujet fort, contemporain. Le film n’a pas peur de se frotter à des enjeux lourds : radicalisation, crise sociale, fracture familiale. Il choisit de le faire à hauteur d’homme, dans une petite ville, avec une économie de moyens, ce qui donne une impression de réalisme assumé.
  • Moments d’émotion et de tension bien tenus. Il y a des scènes puissantes - le père qui cherche à renouer, les crescendos de conflit, le silence qui pèse. Le film sait aussi créer des échappées visuelles marquantes.

Ce qui pèche

  • Simplification du discours idéologique. À certains moments, le film tombe dans des choix narratifs trop éclairés : des discours prononcés « à la tribune » qui paraissent trop didactiques et moins incarnés.
  • Certains dialogues paraissent trop « externes » au film, comme si le scénario voulait absolument poser un manifeste.
  • Des moments avec des « coups de mou » dans la mise en scène. La mise en image, à l’occasion, semble hésiter : certains passages perdent de leur tension, des séquences un peu trop « esthétiques » paraissent plaquées.  
  • Crédibilité de certaines attitudes / bascules un peu abruptes. Quelques revirements psychologiques ou trajectoires « idéologiques » de personnages manquent de fond ou de construction intermédiaire. On sort parfois de la logique interne pour combler les enjeux dramatiques.  

En résumé

Jouer avec le feu est un film engagé, ambitieux, porté par un Vincent Lindon magistral, qui explore les fissures familiales face aux dérives idéologiques contemporaines. Mais le film souffre de quelques excès de discours, de passages moins solides dans la mise en scène et d’un manque de nuance dans certaines bascules dramatiques.

guipolgpl
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films : poétique de la misère sociale.

Créée

le 29 sept. 2025

Critique lue 3 fois

GPL GPL

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Jouer avec le feu

Jouer avec le feu
Cinephile-doux
6

Deux fils dont un facho

Que dire de neuf à propos de Vincent Lindon, pour sa prestation dans Jouer avec le feu où son rôle de père cheminot, élevant seul ses deux fils, semble taillé à sa gigantesque mesure. Mais ne...

le 14 nov. 2024

24 j'aime

4

Jouer avec le feu
cadreum
3

Dangereuse représentation de la radicalité

Dans "Jouer avec le feu" , Pierre, cheminot veuf, n’a que ses mains pour travailler, que ses principes pour tenir debout. Il a élevé ses fils dans l’idée d’un monde juste, où la lutte ouvrière et la...

le 31 janv. 2025

23 j'aime

6

Jouer avec le feu
VacherinProd
7

Made in French

Il est peut dire que nous vivons des chamboulements politiques, ou au moins, un clivage de plus en plus extrême auquel nous somme confrontés dans la vie politique et civil ne sont pas sans...

le 23 janv. 2025

13 j'aime

8

Du même critique

J'suis pas plus con qu'un autre
guipolgpl
7

Pamphlet libre et mal peigné, à mi-chemin entre le crachat et le poème.

J’suis pas plus con qu’un autre n’est pas un roman. Pas un essai non plus. C’est un tas de pensées brutales, débraillées, viscérales, jetées sur le papier comme on balance des bouteilles à la mer...

le 23 juil. 2025

1 j'aime

Azteca
guipolgpl
10

Ce que Quetzalcoatl n’a pas oublié

Azteca n’est pas un roman historique comme les autres : c’est une détonation littéraire anti-coloniale, un cri arraché à l’Histoire avant qu’elle ne soit déformée par les vainqueurs.À travers les...

le 21 juil. 2025

1 j'aime

1

En attendant Bojangles
guipolgpl
9

Danse, maman va déraper.

En attendant Bojangles, c’est un roman à la fois léger comme une bulle de prosecco et lourd comme une ordonnance de neuroleptiques.Une histoire d’amour fou, vue par un enfant qui comprend tout sauf...

le 18 juil. 2025

1 j'aime