Encore une saga qui se termine. Et malheureusement, encore une saga qui se termine de la pire des manières, à savoir avec un bien mauvais film en guise de conclusion.

Pour ce dernier round dans l’univers jurassique, les rênes sont confiées à Colin Trevorrow, scénariste et réalisateur du premier opus plutôt correct de la trilogie Jurassic World (un film qui, certes, n’était absolument pas original mais qui avait le mérite de rester un divertissement plus que correct), puis uniquement scénariste du second volet très moyen Jurassic World : Fallen Kingdom (qui, malgré son scenario très bancal, possédait au moins une force esthétique et visuelle de haut niveau, résultat du bon travail d’un véritable artiste, Juan Antonio Bayona, à la réalisation).. tout ça pour finalement revenir à l’écriture et à la réalisation du troisième et dernier film : Le monde d’après.

C’est bien là le principal problème de ce film : son réalisateur (et auteur). Même si les différents projets sur lesquels il est rattaché sont principalement des blockbusters, que ces projets se soient concrétisés ou non (rappelons qu’il devait, à l’origine, réaliser l’ultime volet de la dernière trilogie Star Wars pour Disney), Trevorrow ne sait pas filmer le grand spectacle, l’action, le spectaculaire. S’il se débrouille convenablement sur des œuvres plus intimistes et indépendantes telles que son Book of Henry sorti en 2017, dès lors qu’il faut mettre en scène le grandiose, il semble complètement perdu et fait preuve d’un cruel manque de savoir-faire.

Ses défauts ne se limitent pas qu’à la réalisation, son écriture laissant également à désirer. Il est le roi des superbes idées mal exécutées. Car qu’on se le dise, sur le papier, Jurassic World : Le monde d’après avait tout pour être un dernier tour de force des plus fringants. Dans sa logique de prendre la suite de Fallen Kingdom, cet opus nous présente une idée qui aurait dû être exploitée depuis bien longtemps dans la saga jurassique : les dinosaures reprennent le contrôle de leur planète, redeviennent les super-prédateurs qu’ils étaient. On voit des dinosaures non pas cloîtrés sur une île ou dans un parc, mais bien partout sur la Terre, dans la jungle, les montagnes et les villes. Très honnêtement, c’était la meilleure idée possible pour tenter un ultime renouvellement de la franchise, venant assouvir un fantasme qui existe depuis le tout premier opus (à part une ou deux scènes d’un T-rex dans une ville ou d’un dinosaure dans une chambre d’enfant, cela n’avait concrètement jamais été fait dans la saga). Utiliser cette idée novatrice était si important que même le titre en parle : Dominion (titre original, aux Etats-Unis), évoquant évidemment la domination des dinosaures sur toutes les autres espèces de ce monde. Mais voilà, comme évoqué plus tôt, Trevorrow est un maître lorsqu’il s’agit de gâcher les bons concepts : l’idée est complètement sous-exploitée, et si l’on voyage beaucoup (trop ?) dans la première moitié du film, on reste coincés dans un seul et même lieu pendant toute la seconde, et on revient donc encore et toujours à la même rengaine, mais en moins bien réalisé. Avec tout ça, on a finalement du mal à s’imaginer que la version de Star Wars IX par Colin Trevorrow, bien que prometteuse au vu des fuites de scenario et de concept arts, aurait pu être réellement meilleure que le film très bancal que nous a offert J.J. Abrams. Ce qui est cocasse, c’est qu’on ressent légèrement dans ce nouveau Jurassic World le traumatisme de son réalisateur d’avoir été évincé du projet Star Wars IX. Il n’y a qu’à voir ce plan (cliquez ici) : le décor enneigé et la position des deux personnages fait très Star Wars. Remplacez le couteau de chasse et la matraque électrique/taser par des sabres lasers, on s’y croirait.

Comme cela a déjà été dit, le film est mal filmé dès lors qu’arrive un peu d’action. Certains plans sont moches et inutiles, parfois même presque illisibles, et on perd avec cet ultime opus toute notion de gigantisme. Sans doute Colin Trevorrow aurait-il dû demander des conseils à Gareth Edwards, lui qui filmait si admirablement le gigantisme de ses créatures dans Monsters et Godzilla ou ses immenses vaisseaux impériaux Rogue One. Ici, rien ne paraît réellement géant. On nous présente encore un nouveau dinosaure, encore plus grand que le T-Rex de Jurassic Park ou que l’Indominus Rex de Jurassic World : le giganotosaure. Même son nom l’indique : il est giga grand, il est « plus gros, toujours plus gros » comme le dit lui-même notre bon vieux Ian Malcolm/Jeff Goldblum en voyant la bête. Pourtant, on le ressent à peine en voyant le film. Il semble juste être un gros dinosaure parmi les autres gros dinosaures. Il n’impressionne pas plus. Il n’impressionne même pas du tout d’ailleurs, là où Spielberg savait nous faire redouter les apparitions du T-Rex dans son premier film. Cela s’ajoute à tout un tas d’éléments tendant à nous donner l’impression que Trevorrow se fout des dinosaures. Il veut nous mettre de l’action et nous parler de clonage, mais les dinosaures, c’est le dernier de ses soucis. Ils ne sont ici utilisés que comme prétexte, avec pour seule utilité créer de fades scènes d’action auxquelles on ne croit pas une seule seconde tant elles s’éloignent de la sobriété du style de Spielberg. Les dinosaures ne servent vraiment, purement et simplement qu’à l’action. Même pas à la tension, car toutes leurs apparitions sont expédiées très rapidement. De plus, si on n’en voit pas des masses pendant une bonne partie du film (hormis de brèves apparitions anecdotiques et inutiles à l’intrigue), on en voit en revanche tout un florilège dans les 40 dernières minutes du long-métrage, et c’est là un autre gros problème : les innombrables dinosaures qui nous sont montrés à l’écran sont tellement condensés dans la dernière partie du film que l’on n’a plus aucun sentiment de surprise ni d’émerveillement quand ils apparaissent, ni aucun autre sentiment. Ce sont juste de nouveaux dinosaures parmi d’autres, et on s’en fout, car ils sont mal mis en scène, mal introduit et font tous la même chose. Aucun ne surprend et aucun ne semble plus menaçant que les autres, même lorsqu’on essaye de nous le faire croire. C’est à chaque fois simplement une bête de plus, et c’est particulièrement triste de dire cela venant d’un type de créature aussi mythique dans une saga aussi légendaire.

Conclure cette saga sur une note aussi amère est donc bien douloureux. Il est d’autant plus dommage qu’un blockbuster à si gros budget et d’une si grosse licence sortant en 2022 n’ait même pas la décence d’avoir des effets spéciaux irréprochables. Si la plupart sont réussis (heureusement), certains sont parfois assez moches. Par chance, l’équipe technique doit en avoir bien conscience puisque ceux-ci sont souvent très rapidement coupés, pour qu’on ait à peine le temps de s’en apercevoir (mais pas suffisamment pour échapper aux regards les plus avisés). Le retour du trio original composé de Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum, respectivement dans leurs rôles d’Alan Grant, Ellie Sattler et Ian Malcolm, n’était pas forcément une mauvaise idée en soi. Le problème est que l’utilisation qu’en fait le film est un pur cliché de nostalgie correspondant une mode qui devient déjà barbante. Même le très moyen Spider-man : No way home de Marvel, lui-même pur produit de nostalgie intensive, n’insistait pas autant sur le retour de ses acteurs mythiques à base de gros plans sur le visage d’un personnage qui se retourne vers la caméra et de musique utilisée de façon on-ne-peut-plus opportuniste juste pour faire bander les fanatiques. Pour la peine, ils auraient au moins pu rejouer le thème en sortant les violons, cela aurait été très approprié.

Pour trouver dans ce film un semblant de satisfaction, il ne nous reste qu’à nous concentrer sur ces trois vieux héros de retour. Pour amoindrir la déception, on notera que les trois acteurs ont au moins la décence de donner le meilleur d’eux-mêmes et de bien (re)jouer leur rôle, ce qui fait un tout petit peu mieux passer la pilule, bien que cela reste clairement insuffisant.


Critique à retrouver sur mon site personnel : https://gubicine.wordpress.com/2022/06/08/214/

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le 9 juin 2022

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papagubida

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