Le bar est vide. Un jukebox crache un vieux morceau de John Williams trafiqué par des synthés. Il pleut dehors. Gareth Edwards s’assoit lourdement sur un tabouret. Moe, le regard blasé, essuie un verre.


Gareth : Sers-moi un double, Moe. Je viens de terminer Jurassic World : Rebirth.


Moe : Ouais, j’ai vu ça. Les critiques disent que c’est pas mal. Beau bestiaire. De la tension. Pas trop con. T’as de quoi être content, non ?


Gareth (soupire) : J’ai essayé d’y remettre un peu d’âme, tu sais ? Revenir à l’esprit du premier Spielberg. Pas juste des grosses bébêtes qui bouffent des gens en 3D.


Moe : Et pourtant, c’est exactement ce que t’as livré. T’as collé un peu d’émotion, un plan large sur un dinosaure qui regarde l’horizon avec nostalgie… mais au fond, c’est la même soupe que les autres. Plus jolie, peut-être. Mais tiède quand même.


Gareth : Attends… tu veux dire que ça marche pas ?


Moe : J’dis pas que ça marche pas. J’dis que ça tourne en rond. C’est comme une boucle de T-Rex dans une cage. Tu fais le tour des clins d’œil – l’œuf, les empreintes, les rappels visuels – mais ça ose jamais vraiment. Tu veux nous faire croire que c’est une « renaissance », alors que c’est juste une suite qui fait semblant d’être un reboot.


Gareth (lâche un rire nerveux) : Ouais, mais les fans aiment ça, non ? Les rappels, les plans sur les portes du parc, le cri du raptor…


Moe : Les fans aiment les frissons, pas les photocopies. Tu veux une vraie renaissance ? Fallait faire ce que Spielberg aurait jamais osé : tuer les dinos, ou les humains. Prendre un vrai virage. Là, t’as repeint l’enclos avec de jolies couleurs. C’est joli, mais c’est toujours une cage.


Gareth : J’ai mis de la tension pourtant… La scène sur la plage, le suspense dans la grotte…


Moe : Ouais, ça c’est pas mal. Mais c’est comme mettre une cerise sur un flan sans goût. Tu fais croire que c’est un dessert, alors qu’on sait tous que c’est du recyclé de cantine.


Un silence. Moe pose le verre. Gareth fixe son reflet dedans.


Gareth : Tu crois que les gens vont oublier ce film aussi vite que le dernier ?


Moe : Bah… ils oublieront pas les dinos. Mais ton film ? Il rejoindra les autres dans l’enclos. Classé, rangé, refermé. Un peu comme Hammond avait refermé le premier parc.


Gareth (à lui-même) : J’ai recréé un rêve. Et tout ce que j’ai eu, c’est une attraction…


Moe : C’est ça, mon gars. Une attraction. Jolie, efficace, bien huilée. Mais à la sortie, personne n’en parlera. Parce qu’une montagne russe, c’est fun, mais c’est pas du cinéma.


Moe tend un second verre à Gareth. Le réalisateur le fixe un moment, pensif. Soudain, les portes du bar s’ouvrent avec un grincement dramatique. Une silhouette s’avance sous la lumière du néon : veste en cuir, lunettes noires, cheveux ébouriffés. C’est lui.


Ian Malcolm (Jeff Goldblum) : « Life… uh… finds a way. But good writing apparently doesn’t. »


Gareth (surpris) : Professeur Malcolm ? Mais… vous êtes un personnage fictif.


Malcolm : Oui. Et pourtant, me voilà, plus réel que la cohérence de ton scénario.


Moe : Hé, je te reconnais toi. T’étais dans les bons films. Les premiers.


Malcolm (s’assied au bar) : Ah, les bons films. Quand les dinosaures étaient rares, et les scripts, sobres. Maintenant on nous sert quoi ? Un mégalodon qui fait du wakeboard, un vélociraptor empathique, et un gamin qui hacke le génome d’un ptéranodon avec une appli mobile. Génial.


Gareth (faussement offensé) : C’est plus profond que ça ! Il y a un message sur l’homme, la nature, le progrès…


Malcolm : Non. Il y a des explosions. Et des gens qui courent en hurlant “Faut sortir d’ici !”, toutes les 12 minutes. Ce film, c’est Fast & Furious avec des plumes.


Moe (secouant la tête) : Et encore, dans Fast & Furious, au moins les voitures évoluent.


Malcolm (souriant) : Le film aurait pu s’appeler Jurassic Mild. Ça sonne mieux. Plus honnête. Pas trop world, pas trop wild.


Gareth (désespéré) : Mais j’ai mis du cœur ! J’ai voulu ressusciter l’esprit Spielberg !


Malcolm : Ah, l’esprit Spielberg. Vous tous, petits artisans du blockbuster, vous l’invoquez comme une incantation magique. Mais ce que vous recréez, c’est pas un rêve d’enfant. C’est un produit dérivé en 4DX, avec combo popcorn.


Moe (sarcastique) : T’aurais dû appeler ça Jurassic Reboot : L’Attaque des Clins d’Œil. Avec en guest le fossile de l’originalité.


Gareth (abasourdi) : Vous êtes durs.


Malcolm (froidement) : Pas autant que ce script.


Silence. La pluie dehors s’intensifie. Un éclair illumine le bar. Au loin, un cri de dinosaure… ou peut-être un spectateur en sortant de la salle.


Moe (levant son verre) : À Jurassic World : Rebirth ! Le seul film où les dinosaures ont plus de profondeur que les personnages humains.


Malcolm : Et où la science est aussi crédible qu’un raptor babysitter.


Gareth (bu son verre d’un trait) : Bon. J’vais bosser sur un spin-off avec un stégosaure détective. On verra si ça passe mieux.


Moe : Tu sais quoi ? Là au moins t’oserais un truc.

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le 4 juil. 2025

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Kelemvor

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