Casse-toi, reprends l'avion, ne nous emmerde pas avec tes histoires !

Douze ans que Louis n'a pas vu sa famille. Il est parti à 22 ans (vivre sa vie, loin de chez lui, à Montréal, Toronto ou... toute autre grande ville ; ce que nous dit le film, c'est que l'histoire se passe quelque part, il y a quelque temps) et il en a 34. S'il rentre ce dimanche-là, c'est pour annoncer lui-même à sa mère, son frère aîné, sa soeur cadette (qu'il connaît à peine, elle devait avoir 4 ou 5 ans quand il avait pris son envol) et sa belle-soeur (qu'il ne connaît pas du tout) qu'il va mourir... on suppose du sida, mais ça n'est pas dit explicitement et, extérieurement, ça ne se voit pas. Sa mort étant néanmoins irrémédiable, il ne veut pas qu'ils apprennent ça par les journaux (car Louis est un dramaturge connu, un auteur célèbre) ou un coup de fil de l'hôpital. Une fois arrivé à l'aéroport, il reste un long trajet en automobile jusqu'à la maison familiale. Louis prend un taxi et arrive à destination un peu avant midi. C'est au cours du déjeuner qu'il a prévu d'annoncer la nouvelle. En même temps, toute sa famille s'interroge sur la raison de son retour (douze ans d'absence, ça fait un bail !).
Le film s'achève avec la fin du repas. Quand son frère aîné le raccompagnera à l'aéroport, Louis n'aura pas osé, pas pu annoncer la nouvelle à sa famille, en parler avec elle, ni avec aucun des membres de celle-ci. Mais au delà des non-dits, chacun a très probablement compris, même si plus ou moins, que c'était une visite d'adieu.
Le dernier plan du film se concentre sur le tapis du couloir d'entrée de la maison où un petit oiseau qui s'y était égaré agonise (après s'être cogné contre les murs qui l'ont empêché de fuir).

Auparavant, il y aura eu quelques jolis flash-back de l'enfance et adolescence de Louis, une balade en voiture des deux frères (qui tourne à l'engueulade), le déjeuner en famille (entrées + plat principal + dessert) et avant même le café et les liqueurs, un départ brutal pour l'aéroport provoqué par le frère aîné qui empêche (par son comportement dont la signification implicite mais claire est : "Casse-toi, reprends l'avion, ne nous emmerde pas avec tes histoires !") son frère Louis, la célébrité de la famille, de révéler la raison de sa venue.

C'est adapté d'une pièce de Jean-Luc Lagarce (lui-même mort du sida à 38 ans), bien mis en scène, plutôt bien joué. Le découpage des scènes est très bon, le montage nickel, la bande-son bizarre, mais sympa.
L'émotion est très contrôlée.
Ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais c'est un très bon film.