Pour être honnête, je partais à ma séance avec quelques a priori négatifs. J'avais adoré Mommy et Laurence Anyways (moins J'ai tué ma mère), mais le film avait plutôt mauvaise presse et ce casting me semblait être le représentant parfait de la fausse bonne idée. Mais bon, cinq minutes avant la séance je me ressaisi, chasse les mauvaises ondes, et me lance dans le film avec un esprit neutre. Esprit que le film a mis un certain temps à chasser, mais l'a indéniablement fait.
A mon sens, et ça ne m'est apparu qu'après un certain nombre de réflexions une fois le film terminé, mais Juste la fin du monde, malgré d'intéressants choix esthétiques, est un film raté. Raté d'abord parce que j'ai rarement vu un film autant se foutre de son personnage principal. Oui, sa mort prochaine, son ressenti par rapport à sa famille, le film n'en a que faire. Et je ne crois pas à la mauvaise piste intentionnelle, sinon il n'y aurait pas tous ces gros plans, cette voix-off ouvrant et terminant le film, ces flashbacks musicaux concentrés sur Louis. Mais pourtant le fait est là : Louis est tout juste l'élément déclencheur d'un délitement familial, qui de toute façon semblait ne tenir qu'à un fil à cause de la personnalité d'Antoine. Ah, Antoine, ce personnage odieux responsable de l'intégralités des conflits de cette famille, de l'hystérie épuisante du film, ce personnage qui se met à engueuler les autres parce qu'ils lui proposent du café ou osent se moucher. J'exagère bien sûr dans les exemples, mais certainement pas dans le fond de cette suite d'engueulades sans raisons qui constituent 70% du film. Et Dolan voudrait qu'on éprouve de l'empathie pour lui à la fin quand enfin il se livre ? Non, ça ne marche pas, désolé. On ne croit pas à la tristesse intérieure du personnage, tout comme on ne croit pas à cette famille cinq étoiles du cinéma français où Natalie Baye serait la mère de Vincent Cassel.
Alors de quoi sont constitués les 30% restants ? D'une suite de duos dialogués, façon pièce de théâtre faiblement orchestrée où Louis fait face à un nouveau membre de la famille à chaque nouvelle séquence. Certes, pour trois phrases bafouillées en dix minutes entre Gaspard Ulliel et Marion Cotillard, on a le droit à des échanges assez réussis avec Léa Seydoux et Natalie Baye, mais le procédé en lui-même est juste complètement paresseux, mécanique et donc ennuyeux. Et pour entrecouper ces séquences dialoguées, qu'avons-nous ? Une danse-flashback sur O'Zone qui fait franchement plaisir mais sonne comme un Céline Dion 2.0 (cf Mommy), et une séquence de pub pour du parfum sauvage branché faisant office de réminiscence nostalgique (mais surtout de mauvais goût).
Ne reste plus, pour la défense du film, que le choix judicieux des nombreux gros plans sur les visages, choix qui permet au film d'installer une atmosphère asphyxiante en plus de placer le film au-dessus du danger de la simple transcription filmée de pièce de théâtre. L'idée du coucher de soleil comme apothéose sentimentale est, elle-aussi, une belle idée de cinéma qui amène un peu de poésie (qui aurait fonctionné si on avait coupé le son, en fait). Et puis, tout de même, le courage de Dolan d'oser le kitsch est quelque chose que j'admirerai toujours chez lui. Parce que quand ça fonctionne, comme ici avec O'Zone, c'est un sentiment mélancolique qui sonne vrai.
En fait, ce que je regrette le plus avec Juste la fin du monde, c'est qu'il n'ai pas été fait avant l'invention du parlant. Et je précise que je ne dénigre absolument pas la pièce de théâtre dont le film est issu, que je ne connais pas du tout et qui est peut-être très bonne.
P.S. : Vous ne savez pas à quel point j'ai été tenté d'intituler ma critique "Juste de la merde". Mais ç'aurait été mesquin et faux.