Ma note paraît peut-être un peu plus dure que celles que j'ai l'habitude de mettre mais j'ai récemment revu mon barème de façon à évaluer les films que je visionne de façon moins subjective voire arbitraire.
Juste la fin du monde est un film dont l'annonce me rebutait tout autant qu'elle me donnait envie. Pour cause, j'aime le cinéma de Xavier Dolan, que je sais être un excellent réalisateur. Cependant, sa première adaptation de pièce théâtrale m'avait déjà un peu moins séduite que ses scénarios originaux. Mais, surtout, les acteurs de Juste la fin du monde sont des personnalités dont j'apprécie relativement voire pas du tout le jeu dans d'autres productions. La bande-annonce, je dois le dire, ne m'a pas mis l'eau à la bouche. Elle ne constitue d'ailleurs pas l'extrait le plus flatteur du film. En la visionnant, j'ai vu un Vincent Cassel qui surjouait l'hystérie, une Nathalie Baye caricaturale et une Marion Cottillard aussi présente qu'un pot de fleurs. Très honnêtement, je me suis mise à craindre le pire.
Mais j'ai gardé à l'esprit que Xavier Dolan avait beaucoup de talent et je me suis efforcée de mettre mes a priori de côté pour assister à l'avant-première du film. Le visionnage a été, dans l'ensemble, une agréable surprise. Après contextualisation, les personnalités des différents membres de la famille sont plus faciles à saisir et les acteurs, manifestement bien dirigés, livrent une performance dont le rendu est plutôt honnête. La mère complètement décalée donne des couleurs à l'histoire tandis que l'étrange présence-absence de Catherine – personnification absolue de l'incapacité ambiante à communiquer – se fait vite touchante. Gaspard Ulliel s'apparente davantage à une présence, lui aussi, qu'à un personnage, mais une présence toutefois bien incarnée. Même Léa Seydoux, dont je n'apprécie généralement pas les performances, est plutôt convaincante ici ; le personnage aide un peu. Seul Vincent Cassel ne m'a pas réellement convaincue, parce que son jeu manque précisément d'authenticité. À l'inverse de Suzanne, je tiens tout de même à souligner que son personnage rend la performance difficile, et les réactions illogiques d'Antoine dont découle une grande partie de son côté « surfait » sont avant tout inhérentes au personnage.
Néanmoins, même si j'ai trouvé la performance globalement bonne et le visuel toujours aussi soigné particulièrement captivant, Juste la fin du monde n'a pas su profondément me toucher comme ont su le faire Mommy ou Laurence Anyways. Le scénario et l'ambiance du film ont tous deux un air de déjà-vu, quoique l'emprunte de Dolan y soit très présente – notamment lors de ces deux flash-back musicaux aussi envoûtants que significatifs – et j'en suis presque venue à me demander s'il suffisait de prendre un film français lambda complètement creux, d'y injecter une esthétique parfaite et une bande-son poignante pour en faire un bon film. Évidemment, j'exagère les choses et prétendre que Juste la fin du monde est une histoire creuse serait quelque peu abusif. Mais le fait est que l'intrigue se fonde sur un non-dit, soit sur un vide de la parole qui, bien que son traitement soit intéressant, joue toujours dangereusement avec ses propres limites et risque à de nombreuses reprises de lasser le spectateur.
N'ayant pas lu ni vu la pièce de théâtre originale, je ne me permettrai pas de juger la qualité de l'adaptation, qui me semble par ailleurs assez réussie. Seulement, le matériau de base présente à mes yeux un intérêt limité qui me fait envisager ce film davantage comme un exercice stylistique maîtrisé que comme une œuvre à part entière.