Lorsqu’on parle de Kaamelott, il faut se rappeler que cette saga ne ressemble à aucune autre. Elle n’est pas tirée d’un livre, ne repose pas sur le succès d’un premier film qui aurait entraîné la production de ses suites, prequels ou spin off, n’est pas la transposition d’un univers de jouets ou de jeux vidéo. Alexandre Astier a inventé un univers de toutes pièces auquel il a appliqué une narration inédite au format évolutif : du court-métrage originel il est passé aux saynètes de trois minutes sur M6 puis aux épisodes de 30 minutes et aux téléfilms de 90, avant de s’attaquer au cinéma avec un triptyque annoncé dont ce deuxième volet — enfin, sa première partie — marque une nouvelle étape. À chaque mutation, Astier étend son récit et pousse les curseurs du spectaculaire tout en gardant l’esprit de troupe des débuts.
C’est unique, forcément déconcertant, mais si tout ne fonctionne pas parfaitement sur grand écran, le projet a néanmoins sacrement de la gueule.
Au regard de l’attente monstrueuse qu’il suscitait, le premier volet avait forcément un peu déçu, (déception cependant largement pondérée par un deuxième visionnage). Cette suite (du moins sa première partie), quatre ans plus tard, confirme cette (bonne) impression. Plus que dans le premier volet, on retrouve ici la petite musique de la série, son ton inimitable, la truculence des dialogues et de personnages tous écrits et incarnés avec un dévouement quasi-religieux. On rit franchement, surtout lors d’une première heure richement fournie en vannes et en vacheries qui fusent comme à l’époque des débuts de soirées de M6.
Certes, quelques longueurs, symptomatiques de la réticence d’Astier à couper dans le gras, viennent alourdir certains passages, mais son sens de la réplique et de la formule reste redoutablement efficace. Il a en outre ce talent rare de gâter ses acteurs avec des dialogues aux petits oignons. Et ces derniers le lui rendent bien généralement. Parmi les personnages qui se démarquent, le duo d’enchanteurs Merlin – Elias régale à chaque apparition. On retrouve aussi avec un plaisir non feint la verve haute du couple Dame Séli/ Léodangan en pleine forme et les apparitions savoureuses de Clavier (qui rappelle le génie comique qu’il peut être quand il est bien dirigé), Chabat, Cornillac ou Galienne. Même la nouvelle génération, point faible du Premier Volet, se met à la page. Quant à l’absence de Perceval, elle se fait étonnamment peu sentir. D’une part parce que son interprète n’était pas très bien servi dans le Volet 1 (et était assez mauvais, reconnaissons le) et d’autre part parce que Karadoc a trouvé en l’aubergiste et la Dame du Lac d’excellents partenaires de jeu qui le remettent, lui, en valeur.
Au-delà du soin apporté à l’écriture, Kaamelott Volet 2 a bénéficié d’un budget plus conséquent et ça se voit à l’écran. Que ce soit au niveau des décors, des costumes, des effets spéciaux, tout est plus ample et maîtrisé. La photographie, plus léchée, donne enfin au film une vraie allure de cinéma. Malgré cela, Astier butte encore sur le même écueil, qui ressemble à un plafond de verre. Il peine à insuffler la dimension épique à laquelle il aspire.
L’idée d’envoyer les chevaliers aux quatre coins du monde pour accomplir leurs quête fonctionne sur le papier, mais dilue un peu le rythme avec ses multiples intrigues secondaires (Lancelot, les mercenaires, etc.). Reste que le récit, à défaut d’être homérique, est cohérent. S’il se termine de manière abrupte, comme souvent pour des histoires coupées en deux, il donne envie de connaître la suite, quand tout ce beau monde se retrouvera. Evidemment, j’en serai, en espérant que Astier lâchera vraiment les chevaux.