Je me souviens encore de la fois où on m’a appris pourquoi Kaamelott s’écrivait avec deux grands A majuscules.
Deux A pour Alexandre Astier. J’avais souri.
J’avais souri parce que ça ne m’étonnait pas du personnage, manifestement un brin « meloneux » dans son genre…


Alors après qu’on s’entende bien malgré tout : les melons ne me dérangent pas s’ils permettent d’apporter un peu de fraicheur et de goût au monde du cinéma. Et sur ce point je ne ferais pas partie de celles et ceux qui vous affirmeront qu'Alexandre Astier n’a jamais rien su apporter de frais ou de goûteux au monde des arts. De lui je retiens surtout ses deux Astérix et deux-trois interviews bien senties…
Néanmoins c’est un fait : Kaamelott chez moi, ça n’a jamais été ça, et c’est peu dire si ce n’est pas ce film qui me fera changer d’avis.
Loin de là…


Déjà au sujet de la série je n’avais jamais été pleinement convaincu. J’étais bien tombé sur quelques épisodes de ci-de-là mais jamais je ne suis parvenu à accrocher.
C’était toujours la même chose : une situation creuse d’installée juste pour servir de prétexte à tout un jeu de décalages propre à l’humour du bonhomme ; petit jeu qui pouvait certes me prêter à sourire mais qui était désespérément toujours le même.
Pas de quoi fouetter un chat en ce qui me concerne mais seulement voilà, dans une bonne partie de mon entourage, cette série on m’en parlait à chaque fois comme d’un nouveau Flying Circus, et voir tous ces gens estimables se poiler pendant des minutes entières en se remémorant leurs épisodes préférés était forcément le genre de spectacle qui ne pouvaient que m’interpeller.
Alors oui, j’ai réessayé de m’y mettre plusieurs fois. Le « livre 1 » d’abord. Mais en vain…
Et puis j’ai compris que la particularité de la série c’était qu’elle avait su évoluer dans le temps en développant considérablement son univers et sa narration… Du coup je me suis dit que c’était peut-être là que j’avais loupé un épisode. J’ai donc remis les couverts pour le livre 4 mais non. Désespérément non… Sans être hostile à la démarche je restais juste inerte face à l’enchainement des épisodes…
Tout ça pour dire que lorsque ce film Kaamelott est sorti, j’ai hésité…
…Forcément.


Pourtant les invitations à m’y risquer furent nombreuses, tout comme les multiples sollicitations à ce que je m’exprime à son sujet, mais à chaque fois j’ai toujours préféré passer mon tour.
Je ne dis pas que je n’étais pas tenté – beaucoup m’ont même dit que ça pouvait éventuellement être pour moi une autre porte d’entrée à l’univers de la saga – mais à chaque fois c’était la même idée qui finissait par clore le débat en moi : je ne m’estimais juste pas apte à m’ouvrir à l’univers de Kaamelott.
Non mais voilà quoi… Pas apte… Carrément.
Et dire que c’est à ce genre de raisonnement tordu que peut conduire l’aura d’Alexandre Astier !
Non mais, avec le recul, c’est juste une blague quand j’y pense…


Parce que oui, si vous lisez cette critique, c’est bien évidemment parce que j’ai fini par voir ce Kaamelott, premier volet
…Cette fois-ci on m’avait fait ce genre d’invitation impossible à refuser. Et pour l’occasion on m’avait carrément prêté le coffret ultra-collector qui – pour le coup je dois bien l’avouer – était vraiment un très bel objet ; coffret qui participait notamment à cette idée que je touchais quand-même là à une saga d’ampleur ; à un univers riche, noble et raffiné…
…La désillusion n’en fut que plus forte une fois le film lancé.


Premier choc : la forme.
C’est moche.
Enfin pour être plus précis – si on y regarde vraiment bien – c’est surtout la réalisation qui est moche.
Costumes, décors, photo, son : pas grand-chose à redire de mon point de vue. Par contre tout ce qui concerne les cadres, le montage, la mise-en-scène générale : là-dessus on frôle franchement l’amateurisme.
Alors sûrement qu’après avoir dit ça, certaines et certains me trouveront durs car il est vrai que tout l’enrobage plastique peut, la plupart du temps, cacher la misère (bon, sauf quand on se retrouve avec des effets numériques à l’écran, parce que dans ce cas-là ça oscille clairement entre une production chinoise d’il y a quinze ans et le film de fin d’année de section audiovisuelle de lycée), mais pour qui prend vraiment la peine de s’attarder sur ce qu’est la seule mise-en-scène, force est de constater qu’il y a quand-même là-dedans pas mal de maladresse.
Voir dans ce film un coup de poing, un combat, une poursuite, un surgissement subit de soldats saxons, c’est soudainement prendre conscience qu’il y a là un vrai problème dans le montage, dans les valeurs de plan choisies, dans les mouvements. Ça n’impacte pas. C’est toujours à contretemps.
Même chose en ce qui concerne les longs (et très nombreux) échanges qui émaillent ce film. Les valeurs de plan sont toujours étonnamment trop larges. Les champs/contrechamps s’opèrent parfois de manière chaotique.
Il y a dans ce Kaamelott un rendu télévisuel assez consternant ; le genre de rendu qui, me concernant, me sort grandement d'un film, surtout au regard des grandes prétentions affichées.


Ce qui est pourtant fou avec cette forme, c’est qu’on sent qu’Astier s’attarde parfois sur des détails pour délaisser l’essentiel.
D’un côté on sent qu’il se prend la tête à trouver le bon angle de caméra pour qu’on puisse voir le visage de Mewanvi de Vannes bien découpé comme il faut par le grillage de la cage du roi, et puis de l’autre il envoie valser tout le reste de la scène sans la moindre inventivité ; de la manière la plus plate et stérile qui soit.
Même chose pour ce qui est des localisations géographiques qui surgissent régulièrement, démontrant qu’Astier a accordé beaucoup d’importance à la cohérence et à la profondeur de son univers – mais d’un autre côté ces mentions surgissent un peu n’importe comment et surtout selon une typo très télévisuelle qui, si elle doit certainement se référer à celle de la série, jure malgré tout au plus haut point sur grand écran.
Et puis je trouve surtout que ce manque de constance dans la mise-en-scène est particulièrement frappant d’entrée de film quand il s’agit d’introduire le personnage d’Arthur. Tout commence par des plans de détails filmés au ralenti. On sent qu’Astier entend faire monter au plus haut l’effet de désirabilité du spectateur à l’égard du dévoilement de son personnage principal… Et puis finalement non. Il lâche l’affaire en route. Le visage d’Arthur est révélé dans un plan large plutôt mouvant et assez court. C’était comme si d’une seconde à une autre Astier avait oublié son idée initiale.


Et à dire vrai j’ai vraiment trouvé que tout le film était à cette image là : ce ne sont que des débuts d’intentions méticuleuses vraiment minimes qui sont noyées dans un ensemble informe, quelconque et franchement terriblement balourd.
Les scènes de ce film ne se réduisent tout de même – et cela pour l’essentiel – qu’à de longs dialogues qui s’étirent dans le temps et cela juste pour reproduire la sempiternelle même mécanique de gag.
Un personnage A annonce avec assurance un truc au service de l’intrigue (genre « on vient chercher Bidule » ; « notre mission est de retrouver Machin » ; « je vais vous dire quel danger plane sur ce royaume ») ; puis juste derrière un personnage secondaire B l’interrompt de manière totalement saugrenue (« ah bon, moi je croyais qu’on était venu chercher quelqu’un d’autre » ; « ah moi je préviens tout de suite : je veux bien participer mais à condition qu’on ne doive pas le trimballer à travers tout le royaume » ; « comment vous faites pour deviner quelque-chose dans votre pot de chambre à la con là ? ») ; or à cela réagira le personnage A qui se plaindra d’avoir été interrompu pour une connerie mais qui répondra quand-même à la connerie, montrant qu’il est lui aussi tout aussi con.
La formule est tellement répétée qu’elle en devient mécanique : situation prétendument sérieuse, puis désamorçage par un jeu de sur-réactions absurdes sur des détails insignifiants…
…Et on va te reproduire ça autant de fois qu’il sera nécessaire au fait d’aligner tous les personnages de la longue série, histoire de satisfaire les fans (du moins je suppose).


Alors non seulement ça nique totalement le rythme du film, mais en plus de ça c’est d’une terrible prévisibilité…
…Même pour moi qui ne connais pourtant que très peu la série, j’ai eu l’impression d’assister à un sacré alignement de gags que j’avais déjà vus plusieurs fois (les consignes qu’il faut expliquer vingt-fois, les jeux à la con de Perceval, les engueulades entre Arthur et un tiers sur l’obtention ou la réalisation d’un objet à la con, etc.)…
…Du coup je n’ose même pas imaginer pour celles et ceux qui connaissent la série sur le bout des doigts.
…Mais bon, c’est peut-être aussi ça que les gens étaient venus chercher, alors qui sait...


De toute manière, tous ces éléments que je viens de vous citer ont beau être déjà de sacrés marqueurs très forts de ce qu’est ce Kaamelott, premier volet que malgré tout ils n’en constituent pas à mes yeux la vraie question centrale de ce film : pour ne pas dire le vrai cœur essentiel de cette saga…
…Car à bien tout prendre il m’apparait tout de même évident que l’électro-aimant iron-manien autour duquel le film se construit et semble vouloir puiser toute sa force c'est son personnage central…
…Le roi Arthur.
...Ou plutôt devrais-je dire Alexandre Astier.


Car oui, difficile de ne pas voir – surtout pour quelqu’un d’extérieur comme moi – ce Kaamelott, partie 1 comme un gigantesque ego trip orchestré par, pour et à travers Astier ; ego trip d’ailleurs totalement démesuré au regard de ce qu’il est et de ce qu’il fait vraiment.
Parce que pour peu qu’on prenne la peine de délester ce film de ses dialogues burlesques interminables, que reste-t-il ? Il ne reste qu'Arthur.
Arthur le bad ass.
Arthur que tout le monde attend.
Arthur que tout le monde veut voir sortir de sa tanière.
Arthur et son regard profond.
Arthur et ses mèches de thug.
Arthur et son passé tellement deep.
Arthur et ses questionnements intérieurs tellement intenses que son gros phallus peine parfois à briller de mille feux…
…Ah mais cet Arthur !


C’est hallucinant comment Astier semble nous présenter ça comme si c’était le summum de l’épicness alors qu’en fait – à regarder ça avec du recul – c’est juste plat, cliché et creux.


Son truc avec le passé « d’Arthurus » et de sa Roxane de Maurétanie c’était franchement le pompon à ce niveau-là.
Ça se prend terriblement au sérieux tout ça pour pas grand-chose. Pour quelque-chose déjà-vu vingt-mille fois…
…Et que dire de la trame principale d’ailleurs ? Tout le film repose quand-même sur ce principe éculé du retour du héros ; se retrouvant après son errance dans le désert. Et pourtant, malgré le fait que ce genre d’histoire soit balisée de toute part, Astier parvient malgré tout à oublier l’essentiel : parvenir à expliquer et montrer ce qui le fait cheminer à reprendre le pouvoir. D’ailleurs, à la fin du film, on se rend compte que soudainement il retrouve tous ses pouvoirs magiques (?) et à aucun moment on ne sait vraiment nous dire pourquoi.
A la fin il reprend le trône comme si de rien n’était.
Pourquoi ? On ne sait pas.
Comment ? On ne sait pas.
A croire que la vraie blague, en fait, elle se trouvait là, depuis le départ.
Tragique.


Tout ça fait quand-même beaucoup de mégalo pour au final pas grand-chose à donner à manger au ciboulot.


Alors après on me rétorquera peut-être que je n’ai rien compris parce que je ne connais pas la série ; parce que je n’ai pas la réf’ ; parce que je ne sais pas ce que ça peut faire que de voir tous ses super-héros Aveng… [raturer mention précédente] tous ses personnages préférés de Kaamelott passer à tour de rôle à l’écran…
…Eh bah pour le coup permettez-moi d’en douter, voyez-vous.
Parce que moi, quand je vois ça, je n’ai vraiment pas l’impression d’être confronté à un univers rouleau-compresseur qui m’échappe totalement, bien au contraire.
Tout ce que j’ai vu c’est du vide qu’on a rempli avec une flopée d’acteurs amusants et une répétition ad nauseam du même humour absurde. Or, c’était exactement l’idée que je me faisais déjà de la série.
Et autant je peux encore cautionner l’intérêt de la démarche tant que c’est sous forme de pastille humoristique sur M6, autant sur grand-écran je me dois bien d’acter que c’est vraiment trop peu. Que c’est vraiment bien creux…


C’est d’ailleurs tout le paradoxe que j’ai trouvé à voir ce film.
Il était celui qui devait m’ouvrir l’univers de cette saga mais au final c’est presque celui qui va me le fermer.
Moi qui pensais jusqu’alors qu’il y avait dans la série quelque-chose qui m’échappait sûrement, après ce visionnage là, je commence à me dire en ressortant de ce Kaamelott qu’au fond il n’y a pas grand-chose à connaître et à voir dans cet univers là.
Rien à part ce fameux double-A. Rien à part le gros melon d’Alexandre Astier.
Alexandre-le-Dieu-sur-terre. Alexandre le Grand.
…Et bien pour ma part permettez-moi de relativiser franchement cette grandeur.


D’où je regarde, cet Alexandre est peut-être grand mais son royaume, lui, est vraiment tout petit.
Et s’il y a bien une absurdité à la monarchie c’est bien celle-ci ; c’est qu’à vouloir réduire un immense univers qu’à lui-même, le tyran mégalomaniaque finit par régner sur un désert.
Comme quoi Astier n’est peut-être jamais aussi bon que lorsqu’il doit s’effacer face à plus grand que lui, comme ce fut le cas face à l’irréductible gaulois…
…En espérant du coup qu’il sache se retrouver une autre figure tutélaire d’ici là, parce que les habits du roi Arthur, de ce j’en vois, ça ne lui va décidément pas.

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le 10 févr. 2022

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