Sans être une fan de la première heure de Kaâmelott, je dois avouer que, comme beaucoup d’aficionados, j’attendais la suite de la série avec une certaine impatience (et d’autant plus quand sa sortie a été annoncée en l’an de grâce 2020, annus horribilis si l’en est).

J’ai donc été le voir, en avant-première, avec une petite compagnie de plus ou moins grands fanatiques de l’œuvre, dans une salle complète, sans climatisation et masquée (on a eu peur d’avoir froid, il s’est avéré qu’on était plus proche du hammam sur la fin de séance). Bref, pas forcément les meilleures conditions pour en profiter, mais ça ne doit pas être l’unique raison qui justifie mon avis sur le long métrage d’Alexandre Astier.

Car oui, ce serait mentir que de dire que j’ai passé un excellent moment et que je recommande chaudement d’aller le voir (même si, en y allant, vous contribueriez à l’arrivée du prochain volet qui ne sera clairement pas du luxe). Par contre, je ne peux pas non plus affirmer haut et fort que je me suis ennuyée et que ce visionnage a été une torture. Loin de là. J’ai passé un plutôt bon moment, j’ai ri et souri sur de nombreux passages, légèrement frissonné sur d’autres, mais j’ai aussi grincé des dents sur tout le reste.

Je ne sais pas vraiment par quel bout prendre cette critique donc on va partir sur une formule classique : entrée, plat, dessert.

Les personnages :
• la galerie kaamelottienne étant particulièrement fournie, il n’est pas surprenant que certains personnages soient aux abonnés absents dans ce premier volet. Certaines de ces absences se justifient pleinement par la temporalité de l’histoire (celle-ci se déroulant dix ans après la chute d’Arthur et l’accession au trône de Lancelot, il est normal que toute la clique romaine soit restée en coulisses ; tout comme il n’est pas incongru que les enfants de la série soient désormais des adultes). D’autres, par contre, demeurent à l’heure actuelle sans réponse (quid d’Yvain ? du Maître d’armes ? d’Angharad ? d’Anna de Tintagel ?).
• Quoi qu’il en soit, il y a une évidence qui m’a sauté aux yeux assez rapidement au cours de la séance : le film n’est pas fait pour les néophytes. En effet, aucun des personnages qui existaient dans la série n’est présenté (pas même le lien qu’ils peuvent avoir vis-à-vis d’Arthur ou de Lancelot). Alors, ce n’est pas très gênant pour ceux qui existent, de base, dans le cycle arthurien (Arthur, Lancelot, Perceval, Guenièvre, La Dame du Lac, etc.) car les lettrés sauront les remettre dans l’organigramme. Par contre, pour les autres, il faudra vous contenter des rares miettes jetées aux spectateurs pour essayer de raccrocher les wagons (ex : on comprend que Mevanwi est la femme de Karadoc et la mère des deux filles qui font dissidence ; mais quant à savoir ce qu’elle fiche à cet endroit, en telle compagnie, eh bien, walou !).
• Et puis, en dernier point, je rajouterai que le dosage du temps de présence de chacun n’est pas très heureux. Astier a sûrement voulu rameuter un maximum de têtes connues dans ce premier volet, mais force est d’admettre qu’on aurait aisément pu se passer d’une bonne partie d’entre eux tellement leur apparition n’a que peu d’intérêt dans le déroulé de l’histoire (les paysans, Hervé de Rinel, Elias, Galessin (nonobstant ma profonde sympathie pour ce dernier, il est réduit au même niveau que Ferghus, ce qui représente un sacré gadin sur l’échelle sociale)). A l’opposée, certains sont beaucoup trop présents et leurs interventions viennent carrément alourdir le récit (je pense notamment à l’un des deux semi-croustillants, pour ne pas le citer ; mais je pourrais également évoquer les minions de Lancelot dont les dialogues tournent en boucle durant tout le film ce qui ne présente, bien sûr, pas un intérêt fou).

L’histoire :
• je dois dire que j’ai été très surprise de voir ce premier volet s’achever ainsi. J’avais vraiment dans l’idée que ce face-à-face n’interviendrait qu’à l’achèvement du troisième volet afin que suspens, enjeux et tension dramatique aient bien le temps de s’installer. Mais, comme l’a si bien précisé M. Astier dans ses interviews, le film n’a pas été écrit pour satisfaire les désirs des fans, mais ses souhaits à lui. Cependant, en découle plusieurs problèmes dont un, majeur, celui du rythme. En effet, ce premier opus du triptyque arthurien à la sauce Astier, souffre d’un gros souci de tempo et ce, du début jusqu’à la fin. Si Sire Arthur s’appesantit sur des souvenirs de jeunesse (qui apportent plus de questions que de réponses), sur la traversée du désert de Clovis Cornillac ou encore sur les manœuvres militaires des Burgondes (et je ne parle pas de la scène du robobrol qui est trois fois trop longue…) ; il pique un sprint lorsqu’il s’agit de remonter jusqu’en Bretagne, de rencontrer les nouveaux arrivants (l’un d’eux n’est d’ailleurs pas du tout présenté) ou de botter les fesses du chevalier solitaire. J’ignore ce qu’Astier a prévu de nous servir pour les deux prochains volumes, mais je trouve dommage qu’il ait précipité les pérégrinations d’Arthur, alors que c’était assurément le meilleur moyen de justifier ce revirement de pensée un peu catapulté. En remontant lentement, en prenant le temps de constater l’ampleur des conséquences de sa démission, en accentuant la difficulté d’accès à son adversaire, les émotions auraient été davantage au rendez-vous.
• Alors vous allez me dire que c’est du Kaâmelott, on ne va pas voir ce film pour se prendre la tête, mais plutôt pour se taper sur les cuisses. Eh bien, je pense pourtant que ce long-métrage aurait énormément gagné à être plus sérieux. Car, au final, les scènes qui fonctionnent le mieux sont celles qui sont sérieuses. J’ai ressenti plus d’émotions à revoir le tavernier promenant un regard triste sur les ruines de son auberge ou à assister à la session d’escalade d’Arthur, plutôt qu’à observer la bataille de fin censée pourtant soulager le Royaume de Logres de son tyran. Et j’ai même été déçue de voir que la gravité de certains passages a été désamorcée par des blagues pas toujours très finaudes (je passerai d’ailleurs sur l’humour parfois lourdaud de quelques répliques ou sur les dialogues poussifs de quelques-uns). Comme si Alexandre Astier s’était senti obligé de rajouter un peu de légèreté suite à l’accueil un peu froid du Livre V, qui ne respirait clairement pas la joie de vivre. Etonnamment, bien que j’ai fait partie de ces spectateurs réfrigérés suite à mon premier visionnage, je maintiens que ce volet aurait été mieux allégé de quelques boutades.

La technique : on ne va pas se mentir, on devine assez vite que le budget alloué à ce film n’a pas crevé le plafond. Si parfois, on peut se poser la question de savoir si certains choix artistiques sont volontairement ridicules, d’autres par contre peinent un peu à remplir leur office (les plans en pied du château piquent un peu les yeux). A contrario, d’autres effets spéciaux sont nettement plus chiadés et font le café. La grande majorité des plans sont beaux tant qu’il n’est question que de dialogues ou de personnages qui marchent ; ça se complique néanmoins dès lors qu’il y a davantage d’action (le combat final est très laborieux, on ne comprend pas franchement ce qu’il s’y passe). En bref, on a un peu l’impression que tous les fonds sont passés dans les souvenirs d’Arthur, ne laissant que quelques rognures d’ongle pour toute la partie Bretagne.

Les acteurs/actrices : budget limité oblige ou force de l’habitude, le casting de Kaâmelott se concentre sur la famille Astier et ses affiliés. Le souci, c’est que s’il y a peu à reprocher sur les performances des anciens, force est de constater que, hormis Sting (qui se débrouille plutôt bien pour un non-francophone dans un univers où l’humour est essentiellement basé sur la langue de Molière), les nouveaux tirent la langue pour se mettre au niveau. N’en déplaise à leur géniteur, mais les rejetons de la dynastie lyonnaise ne sont pas à la hauteur. Et ceux qui les côtoient, qui m’ont l’air d’arriver pour assurer la succession (et qui doivent sûrement sortir de l’école de Dame Séli), sont tout aussi catastrophiques que leurs condisciples. Le pire étant que certains vétérans semblent aussi avoir perdu de leur superbe par ricochet (Hembert en étant le meilleur exemple). J’exclus bien évidemment Galienne et Cornillac des casseroles puisqu’ils font très bien leur taf (on en redemande même du premier).

La musique : il me faudrait sûrement une deuxième écoute pour me faire un avis définitif, mais, à chaud, c’est une petite déception. A l’exception du passage au piano dans la tour de Guenièvre, il n’y a absolument rien qui remonte de ma mémoire concernant la musique (et ce morceau revient plus parce qu’il tranchait avec le reste de l’instrumental que parce qu’il était bien).

En conclusion, malgré le ton un peu sombre de cette critique, le film n’est pas mauvais en soi. Il souffre de beaucoup de défauts, il nous fait nous poser beaucoup de questions (qui, j’espère, trouveront leurs réponses dans les prochains opus), mais on passe globalement un bon moment. Ca fait tout de même plaisir de revoir cette compagnie de bras cassés (même s’ils ont pris dix ans dans la vue et que certains ont plus dégusté que d’autres). Et puis la scène post-générique augure des choses intéressantes.

NicodemusLily
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le 2 sept. 2023

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