Un ado solitaire qui rêve de devenir un super-héros, une gamine de onze ans transformée en machine à tuer par son vengeur de père, le fils d'un parrain de la pègre qui veut suivre les traces de son paternel malfaisant... Des humains (presque) ordinaires, justiciers costumés à leurs heures, qui se croisent pour le meilleur comme pour le pire dans un univers décadent régi par la loi du plus fort, miroir à la fois décalé et terrifiant de notre propre société. Si Kick-Ass fait mouche, c'est parce qu'il est crédible. Les personnages, plongés dans le chaos du monde, victimes tragiques de son absurdité, n'ont jamais été aussi accessibles, attachants. Rarement l'identification aura été autant poussée dans un film de super-héros. Parce qu'il n'y a justement aucun super-héros. Les fameux costumes ne sont que des masques-miroirs dissimulant des failles bien humaines, du mal-être de l'adolescent à l'impossible deuil d'un père mû par le désir de venger la mort de son épouse, au point d'initier sa fillette aux arts du combat.

S'il est ultra-violent, Kick-Ass ne fait cependant pas l'apologie de la barbarie. L'agression se double toujours d'un questionnement malade : comment peut-on en arriver à confier les armes à une enfant ? La montée de la violence nous poussera-t-elle à de telles monstruosités ? C'est ce que suggère la confrontation entre Big Daddy (Nicolas Cage, déjanté et effrayant) et un collègue policier, qui lui rappelle que sa bouchère de fille n'a que onze ans, qu'elle mérite une enfance insouciante. Derrière son humour noir décapant, Kick-Ass dépeint avec amertume le pourrissement déjà très avancé de l'innocence dans nos sociétés. La manière est un peu outrée, mais porteuse d'une inquiétante vérité. Injustement annoncé comme un simple film de geeks, pour ados attardés, le film de Matthew Vaughn pose de vraies questions de fond, extrêmement troublantes.

Mais Kick-Ass n'est pas seulement brillant sur le fond. Visuellement impressionnante, photographiée avec une élégance folle, montée avec une fluidité exemplaire, cette fresque déjantée s'autorise des envolées épiques d'une rare intensité, renvoyant au placard Spider-Man et ses pairs. La tentative de sauvetage de Big Daddy par sa fille (alors qu'il est pris en otage) est un pur morceau de bravoure, une tuerie audio-visuelle, un carnage stroboscopique au ralenti transcendé par un puissant morceau musical de John Murphy. Grandiose ! Une scène d'anthologie qui annonce un finale tout aussi fracassant. L'intensité tétanisante de ces explosions d'action trouve un parfait contre-point lors de scènes comiques irrésistibles, d'une liberté de ton inhabituelle (donc bienvenue), entre humour noir et délire trash. Une légèreté ambigüe qui repose sur le jeu des acteurs, parfaitement dans le ton : Aaron Johnson incarne un Kick-Ass immédiatement sympathique, effrayé et excité par le tournant inattendu que prend son existence lorsqu'il enfile son costume ; Mark Strong excelle dans son rôle de méchant aussi intimidant que risible ; Chloe Moretz confère à Hit-Girl une personnalité qu'on n'est pas près d'oublier, elle devient en à peine deux heures une icône nouvelle, une figure déjà culte de gamine exterminatrice à la fois redoutable et fragile, sanguinaire et innocente.

Pas très moral de faire endosser un tel rôle à une enfant, disent certains médias américains. Ils n'ont décidément rien compris au pouvoir de vision du cinéma, cette capacité de projeter les images les plus dérangeantes sur l'écran de nos rêves et de nos pires cauchemars. Hit-Girl est l'allégorie désenchantée d'une jeunesse mutilée. Au lieu d'y voir un objet de scandale, il serait peut-être temps d'élever nos enfants avec le respect qu'ils méritent. Pour éviter d'en faire des monstres. Par-delà ses qualités esthétiques et ses dehors irrévérencieux, Kick-Ass est porteur d'une morale, certes paradoxale, mais juste. Un film de super-héros jubilatoire et fascinant !
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le 6 août 2010

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