Irrévérencieux.
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À ceux qui me diront « ceci n'est pas une critique, tout juste un adjectif » je répondrai que c'est probablement celui qui qualifie le mieux la bobine de Matthew Vaughn
Se jouant habilement des codes du film d’espionnage, Kingsman : Services secrets s'emploie à les déconstruire avec une joie enfantine, désamorçant continuellement chaque morceau de bravoure par un gag, une attitude, un zozotement des plus déplacés et des plus comiques.
Alignant un casting prestigieux pour un blockbuster adapté de comics comme Hollywood sait nous en servir depuis quelque temps, Matthew Vaughn s'amuse, tourne le film d'espionnage en dérision pour notre plus grand plaisir en multipliant les scènes d'action testostéronées, en nous injectant des références de pop-culture à nous faire vomir et en donnant dans la surenchère la plus totale, dans le défoulement cathartique.
Si l'ambiance est à la dérision et au pastiche bon-enfant, on ne vogue jamais très loin des films dont on se moque ici et tout est clin d’œil, hommage appuyé aux James Bond, Mission Impossible et autres classiques (et moins classiques) que je ne connais pas.
Sans donner dans la parodie grasse et décomplexée à la Mike Myers, Kingsman fournit au spectateur de film d'espionnage une trame narrative classique et éculée. Un magnat mégalomane à la conscience écologique hypertrophiée – incarné par un Samuel L Jackson tout à son rôle et dont l'amusement transparaît à l'écran – décide de protéger la terre de façon drastique, en éliminant les trois-quart de sa population. En plein complexe de Noé, notre méchant zozotant va se frotter aux Kingsman, agence de service secret en freelance qui recrute suite à la disparition d'un de leurs agents. On suivra alors l'entraînement de Gary au côté d'une petite bande d'aspirants agents, entraînement ayant pour but de sélectionner le nouveau membre de Kingsman.
Il ne doit en rester qu'un !
Et, bon an mal an, l'enquête du mentor de Gary (Colin Firth génial, semblant lui aussi beaucoup s'amuser) sur de mystérieuses disparitions de célébrités.
Dès sa scène introductive -situé quelque part au Moyen-Orient – on cerne rapidement la volonté de Vaughn de constamment coller aux poncifs du genre en les magnifiant et en les survitaminant. Le bougre imprime à ses scènes d'action des effets décomplexés, accélérations et ralentis poseurs qui en décuple la violence en appuyant et grossissant les traits de ses personnages : Gazelle, tueuse aérienne aux jambes d'acier dont le style aérien impressionne autant que la violence esthétisée de ses meurtres.
Cette soubrette protège Valentine, charismatique milliardaire dont la puissante rhétorique n'est jamais handicapée par son zozotement prononcé. Ersatz de super-vilain, son style vestimentaire ridiculement d'jeuns et son dégoût pour la violence en font un superbe atout comique en décalage avec la classe (anglaise ici) et le bon goût guindé des Kingsman... Kingsmen ?
Modifiant sans cesse les points de vues, nous livrant des scènes en vue subjective hommage au monde du jeu-vidéo, Vaughn livre une performance sympathique lors de combats et gunfights nerveux. Comment ne pas mentionner le plan-séquence décomplexé et ultra-jouissif dans l'église qui reste en mémoire, marquant le cerveau à grand renfort de guitares furieuses et de meurtre de masse sur fond d’Amérique puritaine.
Notons toutefois l'impression d'artificialité qui se dégage de l'ensemble du métrage qui n'a pas dans ses combats une violence organique mais trop souvent aseptisée et qui, à trop jouer sur les accélérations dessert son rythme et sa crédibilité. Les acteurs sont bien dirigés, soit, mais manque un ressenti dans tout ce fatras de CGI et d'effets -réussi, notamment dans les scènes finales où l'esthétique rajoute du fun mais pompeux parfois. Manque de vrais combattants, diront-nous.
Une autre critique à formuler est ce côté « entre-deux » qui si il ne nuit pas au film nous fait regretter certaines phases d'entraînement qui ne vise qu'à montrer des plans visuellement spectaculaires mais finalement assez banals. La pellicule ne manque pas de folie mais ne la pousse jamais trop loin, dommage lorsqu'on voit tout le potentiel absurde d'un dernier combat flairant bon la série Z dans le chara-design de Gazelle, le délire pop-culture assumé avec cette musique de fête du nouvel an en fond. On s'éclate sur ce final coquin au possible, princesse, champagne, plan sublime-anal, plus si affinités, qui laisse sur la langue un goût moqueur et décomplexé. Et on regrette les quelques lenteurs de l'entraînement de Gary en se disant qu'on aurait pu avoir mieux, plus loin, plus fou, plus décomplexé.
S'échappe de cette pellicule une dose de fun qui s'amuse des codes du genre, multiplie les clins-d’œil au spectateur mais semble parfois se limiter en s'inscrivant à l'intérieur d'un schéma narratif balisé et en ne faisant que flirter du côté de l'outrance et de la folie parodique sans aller plus loin.
Reste la meilleure adaptation de comics de ces derniers temps – je ne saurais dire si c'est la plus fidèle – avec Kick-Ass, sachant habilement se tourner en dérision et se moquer tout en entraînant son spectateur dans une aventure pop acidulée et jouissive.
J'aurais beaucoup répété jouissif dans cette critique.
Subliminal... ♥