KPop Demon Hunters
6.7
KPop Demon Hunters

Long-métrage d'animation de Maggie Kang et Chris Appelhans (2025)

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Encore une fois manipulée par l’algorithme Netflix et ses gros sabots, je me suis laissée tenter par Kpop Demon Hunters. Il faut avouer que les chansons pop anglo-coréennes du film me tournent encore dans la tête. Probablement en passe de devenir un épiphénomène, le long métrage profite d’un très bon rythme, d’une animation qui colle parfaitement aux codes de la K-pop et d’une bande-son plus qu’entraînante. Le film suit la dernière génération d’un trio de chasseresses-chanteuses qui utilisent leurs talents musicaux — et surtout le pouvoir psychique de leurs fans — pour renforcer la barrière anti-démon qui protège le monde. Kwi-Ma, sorte de Sauron des enfers, représenté par un grand brasier auquel tous les démons obéissent, leur envoie un boy band rival pour leur ravir fans et pouvoir, notamment via Jin, le beau gosse qui fera vaciller Rumi.

En vrai, c’est assez fun à regarder, en tout cas au début. Bon équilibre entre aventure, humour et introspection ; ça flashe et ça brille de toutes parts pour capter notre attention, et l’écriture des personnages, sans être originale, reste relativement moderne. Dans son premier tiers, le film soigne l’introduction des chasseresses, de leur mentor Céline, mais aussi des démons joyeusement hideux — dont certains en ont un peu plus sous le couvercle. Quelques indices disséminés çà et là évoquent le surmenage, le système des idoles et la nature profonde (l’éventuelle conscience) des démons. Et puis la promesse majeure, ce sont les chansons : oui, ça fonctionne très bien. Que ce soit les mélodies ou les paroles, ça coche toutes les cases consensuelles du succès pop, de quoi rafler des victoires à l’Eurovision ou aux MTV Awards s’ils incluaient la Corée du Sud. Le mélange coréen/anglais reste anecdotique mais sympathique. Globalement, les séquences chantées et chorégraphiées, d’esthétique clipesque assumée, sont réjouissantes. Encore une fois, la direction artistique, et même le style d’animation, collent vraiment bien au propos.

Mais voilà : plus le film s’étire, moins il tient ses promesses. Il laisse tomber ce qu’il esquisse pour se réduire à un secret assez binaire, un conflit, puis une réconciliation en deux coups de cuillère à pot — car, après tout, il suffit de s’aimer soi-même. Voili voilou, on en fait même une chanson : « Truth will set you free ». Mince alors.

Non pas que j’attendais un film ultra profond à la Perfect Blue, mais je suis persuadée — et on a de nombreux exemples — qu’on peut faire des films légers, entraînants, qui abordent un peu plus sérieusement leurs thèmes. Le film aligne pourtant des éléments parlants sur la face sombre du système sud-coréen des idoles : réactions ambivalentes des fans, surmenage, canons esthétiques, compétition permanente, etc. Non seulement c’est balayé d’un revers de main, mais c’est pris à contre-pied, comme si ces critiques étaient infondées. D’un côté, le trio, dès qu’il est fatigué, l’ignore pour repartir d’un coup (la volonté suffit, paraît-il) ; de l’autre, la seule chanson qui interroge peut-être cette face sombre — notamment dans la relation avec les fans — est chantée par… le groupe de démons, ce qui assimile la critique non à une responsabilité systémique, mais à un mal venu d’ailleurs. Une manière polie de dépolitiser la question.

C’est dommage, ça aurait pu donner de l’épaisseur à un scénario assez cousu de fil blanc — détail pardonnable si l’on apporte autre chose. Je regrette aussi qu’on comprenne assez vite que les démons ont une conscience, ce qui remet en cause leur extermination, mais on n’en parlera surtout pas. Franchement, la manière dont Céline a élevé le trio frôle le risible, et c’est tellement mal géré dans le cas de Rumi que ça finit un peu gonflant à l’écran.

Kpop Demon Hunters reste un divertissement correct… et un pur produit marketing qui, je pense, va remplir les rayons de produits dérivés en préparant une suite — il y a de la matière, vu tout ce qui n’a pas été abordé. C’est fun au début, puis très vite on s’ennuie parce que c’est trop superficiel : on sent que le film ne s’autorise pas à creuser pour rester le plus consensuel et le plus rentable possible.

AlicePerron1
6
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le 9 août 2025

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Alice Perron

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