A la sortie de la salle, on se dit que cet Amant Double, quelque part, a été injustement boudé lors de la quinzaine cannoise. Mais pour le masqué, la plupart du temps, un tel constat a quelque chose de rassurant.


Loin de moi la volonté de jeter la pierre, ou d'adopter une posture faussement contre culturelle. Parce que d'abord, Behind, il a suivi cela de très loin, car de telles mondanités, finalement, lui paraissent assez vaines. Et puis le palmarès, il a toujours été connoté, quand même, cédant à une certaine bien pensance, une habitude dans le nom des élus, une volonté de représentation de cinéma internationaliste et de grandes idées un brin militantes. Mais chacun la sienne, après tout, d'un septième art que nous chérissons tous, chacun à notre manière.


Oui, la Canne(s) a palmé quelques perles. Mais à quel prix, surtout en ignorant des Elle, des Mademoiselle, ou, un plus loin dans le temps, des Innocence, Ghost in the Shell 2.


L'Amant Double, pour certains, ne fera sans doute jamais partie de cette trempe là, pour nombre de raisons. Et ces certains n'auront pas tort sur quelques points, comme le rythme étrange adopté par le récit, ou certaines images par trop démonstratives. Le côté classique aussi, ou encore le fait que, pour qui est un peu perspicace, deviner le fin mot de l'histoire est accessible, puisque mine de rien, beaucoup de clés sont données au spectateur dans les premières vingt minutes s'il est attentif. S'il l'est...


Mais à côté de cela, Ozon retrouve une certaine partie de la magie qui animait déjà son Dans la Maison, en substituant à son ado charmeur et vénéneux une Marine Vacth toujours aussi ensorcelante, avec ses lèvres pleines et ses jolis yeux, malgré son côté androgyne. La narration s'avère cependant beaucoup plus froide, beaucoup plus clinique, et abandonnant peu à peu les afféteries les plus évidentes déployées autour des jeux de miroirs et de placements des protagonistes en face à face dans le cadre.


La belle Marine anime L'Amant Double de tout son magnétisme, tour à tour fragile, revêche, vulnérable, forte ou volontaire. C'est elle, l'attraction du film, la muse de François Ozon qui l'avait déjà dirigée dans Jeune et Jolie. Les failles de Chloé semblent être les siennes, tout comme sa tristesse, son amour, sa curiosité ou sa colère. Si le double rôle de Jérémie Rénier est nécessaire, il ne jouera finalement que le rôle de miroir dans des thématiques liées à une gémellité d'essence mortifère, perverse, dévoyée.


L'Amant Double accompagne littéralement son héroïne dans une traversée intime entre réalité et fiction, jouissant d'une atmosphère mine de rien prenante, surtout pour qui est client de tels univers ou sont convoqués les goûts de films de Brian De Palma ou de David Cronenberg, le temps de quelques séquences.


Behind, lui, il s'est littéralement abandonné à la nouvelle livraison de François Ozon, il a été ensorcelé par ce que le film déployait, ses miroirs toujours dans un coin de cadre archi travaillé, les changements de tonalités, passant du purement psychologique à une saveur de thriller sur la fin de l'oeuvre, les fantasmes mis en scène en forme de labyrinthe mental qui vacille, qui se tord, pour retomber brutalement dans une réalité qui fait mal.


Ozon s'amuse, à l'évidence. Certains diront qu'il parade. Sa malice lui joue parfois des tours. Mais son Amant Double, pour peu que l'on fasse l'effort de lâcher prise, propose quelque chose de séduisant, d'exaltant, d'un peu autre. Certains parleront certainement d'un bon film, Behind en fait partie. Car avec La Mécanique de l'Ombre, question film français, c'est ce qu'il a pour l'instant vu de mieux en 2017.


Ce n'est pas son frère qui le contredira...


Behind_the_mask, qui ne dit pas pourquoi il l'a mangé, son frère...

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le 30 mai 2017

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