Avec son titre provocateur, L’Amour, c’est surcoté annonce la couleur: derrière l’ironie se cache une comédie romantique qui tente de bousculer les codes sans jamais totalement s’en libérer. Adapté de son propre roman par Mourad Winter, ce premier long-métrage mêle humour potache, mélancolie douce et chronique sociale dans une fresque tendre, mais parfois trop sage pour emporter pleinement l’adhésion.
Le film suit Anis (Hakim Jemili), trentenaire un peu gauche, hanté par la mort de son ami d’enfance Isma. Trois ans après ce drame, coincé dans une vie sentimentale au point mort, il décide de reprendre pied et se jette maladroitement dans le jeu de la séduction. Sa rencontre inopinée avec Madeleine (Laura Felpin), jeune femme fantasque et insaisissable, devient le point de départ d’un récit où l’amour se construit à travers les faux-semblants, les mensonges et les fragilités que chacun cherche à dissimuler. Car si Anis multiplie les fanfaronnades et invente des vies de substitution pour masquer ses échecs, Madeleine, elle, porte aussi son lot de blessures derrière une assurance trompeuse.
L’un des atouts du film réside dans la justesse des personnages secondaires, issus de la banlieue parisienne, que Winter dépeint sans céder à la caricature facile. Paulo, Sekou ou encore Doum’s, entre virilité forcée, blagues lourdes et maladresses attendrissantes, traduisent la difficulté de se construire une identité dans un milieu où l’on doit paraître fort pour masquer ses failles. Le réalisateur, qui connaît intimement ce décor, insuffle une tendresse réelle à ses protagonistes, même lorsqu’ils se réfugient derrière la provocation ou l’idiotie.
Le couple central, porté par l’alchimie indéniable entre Jemili et Felpin, donne au film son énergie la plus vive. Elle, insolente et singulière ; lui, maladroit et cabossé, forment un duo attachant dont les échanges verbaux constituent les plus beaux moments du récit. Pourtant, cette complicité n’empêche pas certaines longueurs. À force de vouloir équilibrer humour potache, critique sociale et drame intime, Winter se perd dans une hésitation de ton. Sa comédie se censure parfois elle-même: les situations potentiellement grinçantes (différence sociale, révélation de genre, blagues douteuses) sont vite désamorcées, comme si le film craignait de froisser son spectateur. Résultat: une comédie romantique sympathique, mais souvent trop polie pour marquer durablement.
Le regard porté sur la masculinité contemporaine constitue cependant un fil rouge intéressant. Entre désir de séduire, peur de paraître faible et besoin d’affirmer sa virilité, les hommes de L’Amour, c’est surcoté s’inventent des masques. Mais derrière les postures se dévoile une fragilité universelle: celle d’individus qui aspirent simplement à aimer et être aimés. C’est dans cette sincérité que le film touche, malgré ses maladresses.
Esthétiquement, Winter joue la carte de la légèreté: dialogues vifs, bande-son entraînante et mise en scène dynamique donnent à l’ensemble une fraîcheur certaine. Mais les clichés du genre, difficilement évités, pèsent parfois sur la narration. La sincérité sauve le film, sans parvenir à en faire une véritable révélation.
En définitive, L’Amour, c’est surcoté est une comédie romantique imparfaite mais attachante, qui parvient à faire sourire et parfois à émouvoir, sans toutefois transcender son sujet. Un premier film plein de promesses, porté par un duo d’acteurs lumineux, mais qui laisse un goût d’inachevé.