Avec ce film réalisé au tout début de sa carrière, Wim Wenders nous fait déjà part des thèmes qui lui sont chers et qui vont le poursuivre tout au long de son périple cinématographique. On y retrouve ainsi une histoire d'errance, de retour aux sources, une déclaration d'amour sincère au cinéma américain, aux femmes, et un attachement tout particulier à la famille.


D'ailleurs, le scénario de cette Angoisse du gardien de but au moment du penalty n'est pas sans rappeler celui du chef d'œuvre proposé deux années plus tard par le même réalisateur, Alice dans les villes. Dans les deux cas, un allemand parti se perdre aux États-Unis finit par revenir en Allemagne et rejoint sa région natale. L'influence de la culture américaine sur la société allemande d'après-guerre est également décrite et les relations ambiguës entre le protagoniste et les femmes sont dévoilées.


Si le film de 1972 propose une réflexion intéressante avec l'analogie entre la situation du gardien de but face au tireur lors d'un penalty et celle d'un homme lambda face au déroulement de sa vie, cet essai souffre tout de même aujourd'hui fortement de la comparaison avec le chef d'œuvre réalisé en 1974. Tout semble en effet moins bon. La musique originale est franchement mauvaise (ce qui est d'ailleurs assez surprenant lorsque l'on écoute les bandes originales des films suivants du réalisateur). Les acteurs, sans être mauvais, sont tous moins bons que ceux d'Alice dans les villes. La photographie, pourtant l'une des premières qualités des films de Wim Wenders, est tout simplement affreuse. La mise en scène n'a rien de franchement notable. On retrouve la lenteur dans le déroulement du récit et bien que cette maîtrise du rythme ne soit pas encore parfaite, on décèle déjà le charme particulier de la réalisation si particulière de Wim Wenders.


Finalement, l'intérêt principal de ce film, en plus du fait de découvrir les prémices d'un maître du septième art, réside dans son scénario et la réflexion que ce dernier propose au spectateur. Le récit commence suite au but encaissé par le gardien qui va ensuite se faire exclure par l'arbitre. Pendant l'action, le gardien ne bouge pas, ce qui est rationnellement la décision la plus sage si le joueur d'en face est rationnel, mais tel n'est pas le cas. A la suite de cet immobilisme, ce sont les errements d'un être en mouvement qui nous sont décrits. D'ailleurs, celui-ci va commettre des erreurs lorsqu'il sera en perdition loin de sa région natale. A l'inverse, il finira par retrouver la paix intérieure chez lui, lors d'un magnifique plan final, dans un stade de football où celui-ci a sûrement fait ses débuts, après avoir bien compris que le comportement le plus rationnel à adopter est en fait irrationnel.

Kevin_R
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le 9 avr. 2016

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