Plus encore que le found-footage ou le "Women in prison" film, le cinéma pornographique pourrait se définir comme la quintessence même de la médiocrité, de l'absence totale de talent, d'un mépris sciemment consenti pour l'art et la recherche esthétique. Dans l'inconscient collectif, on regarde un porno pour son plaisir sexuel en omettant le reste. Du coup, comment voir autrement ce spectacle que comme du sous-cinéma qui ne voit ses qualités que par sa faculté on ne peut plus répétitive à stimuler l'excitation chez un individu.


"On ne regarde pas un porno pour son histoire". Combien l'ont déjà entendu ? L'image que l'on se fait de la pornographie contemporaine limitée s'est muée en constat qui n'est autre qu'une contre-vérité pour peu que l'on s'amuse à farfouiller dans ce salmigondis de créations lamentables de limites artistiques et intellectuelles. Heureusement que le porno chic redore le blason de tout ceci, représentant d'une époque où il y avait encore de vrais artisans derrière une caméra qui ne voyaient pas le porno comme simple objet lubrique sans finalité autre que masturbatoire. "The Devil In Miss Jones" fait partie des grands classiques du genre et à très juste titre. Mais surtout, il fait montre d'une ingéniosité et d'une imagination que (très) peu peuvent se vanter. Qui oserait faire démarrer son histoire dans la noirceur avec une femme frustrée sexuellement qui se suicidera dans sa baignoire ? Sans doute pas grand monde.


"The Devil In Miss Jones" va traiter d'un désespoir que la société a volontairement rendu tabou qui est la misère sexuelle. Plutôt paradoxal venant d'une civilisation qui a mis la libéralisation sexuelle sur le devant de la scène tout en l'annihilant par l'extension du domaine marchand qui a laissé sur le bas-côté une foule de désoeuvrés. Hors, bien avant que le néo-libéralisme vampirise les relations sexuelles, "The Devil In Miss Jones" dressait sans concession la nécessité pour la femme ou l'homme de goûter au sexe. Et lorsque celui-ci en est privé, cela influe directement sur sa psyché avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter, dont le suicide dans le pire des cas. Pour notre chère suicidée, une chance lui sera accordée de pouvoir se vautrer dans la luxure et revivre l'espace d'un court instant ce qu'elle n'a pu expérimenter durant sa vie terrestre.


Véritable ode à la jouissance et à la libération sexuelle, Damiano nous gratifie d'une toile de maître faisant honneur au cinéma. TDIMJ enchaîne les séquences pornographiques avec un certain sens de la mise en scène et surtout avec une beauté que l'on ne retrouve plus de nos jours. Jamais ici la pornographie n'est ordurière, complaisante, bassement obscène, ni rabaissante pour la femme. Il y a une légèreté et une innocence dans ces batifolages qui touche. On y ressent l'amour de l'un pour l'autre au-delà de la simple attraction physique. La musique omniprésente typée soap opera aide à transcender son récit, le faisant passer de l'anatomie du plaisir des sens à un instant de réconfort pour Jones qui a reçu la flamme qui lui manquait.


Un film surprenant dont la réputation est totalement justifiée et qui met sur la table une problématique sociétale que nous ne pourrons plus éternellement camoufler.

MisterLynch
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le 24 mars 2023

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MisterLynch

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