Le premier long métrage d'Aurélien Peyre confirme que le teen movie est un genre en très grande forme en France après les coups d'éclat "Vingt dieux" et "La Pampa" l'hiver dernier. Ce film se pose directement comme une version plus mature, plus réaliste et plus cruelle de cette mode de séries adolescentes sur des jeunes riches réunis sur une île, qui se multiplient sur Prime Video (L'été où je suis devenue jolie, Nous les menteurs).
Aurélien Peyre signe un film très troublant par bien des aspects. Il suit la trajectoire d'un jeune adulescent mal dans sa peau, autrefois en surpoids, source de moqueries, et qui a trouvé avec la musculation une manière de revenir sur son île la tête haute. Cette nouvelle confiance en lui grâce à son physique n'est cependant qu'un leurre : il doute de tout, de son amour pour sa copine et si c'est vraiment réciproque, de ce qui plait chez lui, des relations qu'il renoue avec les jeunes de l'île. Il n'arrive pas à assumer son nouveau corps, repensant constamment à son passé à cause de ses cicatrices (un des petits défauts du film est de les oublier lors de certaines scènes alors qu'elles sont cruciales dans une scène vraiment touchante de vulnérabilité). Pour une fois, dans notre ère des réseaux sociaux et de la dictature de l'image et du physique, on se concentre sur le mal être d'un jeune homme, de son regard sur son corps et de son besoin constant de validation.
Mais Peyre ne fait pas seulement le portrait d'un jeune homme mais aussi celui d'un couple à ses débuts qui va tragiquement se heurter au regard des autres et au mépris de classe. L'alchimie entre Felix Lefebvre et Anja Verderosa est évidente tant dans les moments de complicité que lorsqu'ils parviennent à jongler entre la confiance et la vulnérabilité de leur personnage. Cependant, Peyre va leur faire connaitre une trajectoire d'une impressionnante cruauté en questionnant avec subtilité et justesse la différence de milieu social dans le couple. Elle est solaire, pleine d'assurance, heureuse de passer des moments sur l'île, profondément amoureuse de Hugo et curieuse de rencontrer les amis de son copain. Il est plus hésitant, parfois gêné, embarrassé, jusqu'à se mettre en colère.
Petit à petit, ce sont les personnages secondaires (le "groupe d'amis" d'enfance) qui vont envenimer leur relation, une fois leur fascination transformée en mépris et moqueries. La flamme qui unissait Hugo et Queen se déteriore avec des coups tantôt subtils tantôt violents, parfois de leur faute et quelques fois à cause des autres. Aurélien Peyre accompagne cette relation qui connait des hauts et des bas avec une mise en scène elle aussi schizophrène : la caméra suit avec douceur les personnages, les enveloppe, les protège puis se fait plus brutale. L'image navigue entre le solaire et l'ombre au gré des humeurs du couple. La complexité des personnages rend de plus en plus tragique l'issue de l'histoire : à mesure que Hugo se révèle jaloux, envieux et malhonnête car en quête d'appartenance au groupe, Queen révêle elle aussi ses fêlures, devenant plus vulnérable, plus authentique, moins extravagante. La conclusion du film marquera les esprits par une scène d'une cruauté déchirante (Victor Bonnel est exceptionnel en ami toxique) puis par une scène finale bouleversante au goût amer.