L'Étranger
6.4
L'Étranger

Film de François Ozon (2025)

J'avais découvert L'Étranger d'Albert Camus au lycée, et il m'avait beaucoup marqué, à tel point que je le considère encore aujourd'hui comme mon roman préféré. Mais le lycée date désormais un peu pour moi, même si je me souviens des grandes lignes du livre et du personnage. Donc c'est l'occasion de redécouvrir ce personnage de Meursault, d'une manière assez différente, puisqu'on le découvrira surtout dans un regard extérieur, et dans ce qu'il veut bien nous partager, dans ses sentiments et ses opinions.

Et très vite, c'est un personnage qui m'a fasciné, dans son rapport aux autres, dans son comportement, auquel je pourrais m'identifier assez aisément, sur certains aspects. Mais c'est aussi quelqu'un qui est "certain de ses doutes", qui ne flanche jamais, toujours sûr de lui, dans son rapport au monde, et notamment, à son meurtre. C'est un personnage très désarçonnant, qui ne semble même comprendre la gravité de son acte, tout en en ayant rien à faire, de toute façon comme il dit : "J'ai perdu l'habitude de m'interroger".

Le mec lâche punchline sur punchline, un peu comme un anti-Pierre Goldman (pour reprendre en référence un autre film de procès : Le Procès Goldman). Ici aussi, notre personnage n'hésitera pas à lancer des énormités, en accusant le Soleil, mais tout en gardant intégralement son sang-froid à la barre, c'en est limite effrayant. Il y a bien la discussion avec l'aumônier, qui tentera de percer son armure, où l'on découvrira ses failles, ou plutôt sa parfaite lucidité, et son droit à penser en dehors de la norme.

Il est aussi mention d'un fait divers tchécoslovaque macabre, où un homme est tué par sa mère et sa soeur, à qui il avait caché son identité. "Il ne faut jamais jouer" répondra Meursault, qui n'est pas là pour se chercher des excuses, qui est juste là pour assumer son honnêteté, aussi insolente soit-elle.

L'image, quant à elle, est très belle. Je ne suis pas toujours fan des films en noir et blanc, surtout quand ici, nous sommes censés voir les belles couleurs du Soleil algérien (filmé au Maroc certes), mais l'éclairage est très réussi, avec parfois un effet clair-obscur très esthétique, notamment sur le corps nu de Benjamin Voisin, qu'il est très agréable à regarder dans ce film. Le reste du casting est formidable par ailleurs, Rebecca Marder, Pierre Lottin ou encore Swann Arlaud, qui ont tous leur personnalité, et leur propre fascination pour Meursault.

Le générique arrive avec une musique dont le ton dénote par rapport à l'ambiance du film, mais les paroles sonnent étrangement familières, pour cause, c'est la chanson de The Cure : "Killing An Arab", reprenant l'histoire du personnage de Meursault.

Bref, j'avoue être toujours fasciné par ce personnage, cela me donne envie de relire le livre pour réessayer de le comprendre, mais j'avoue être un peu tombé amoureux de lui, appréciant la simplicité toxique de sa philosophie.

"Nous sommes tous coupables, et nous sommes tous condamnés"

Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.

(Vu le 1 novembre 2025 au cinéma)

Tiflorg
9
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il y a 5 jours

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