le 17 oct. 2025
Un soleil de plomb
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Le dernier film d’Ozon constitue, contre toute attente, une étrange surprise. "Étrange" d’abord, parce que l’adaptation est à la hauteur du roman : il fallait une certaine audace pour s’attaquer à ce monument de la littérature qu’est l’œuvre de Camus, longtemps jugée inadaptable. "Étrange", ensuite, parce que les premiers retours et critiques, loin d’être enthousiastes, laissaient présager un naufrage. Or, il n’en est rien : le long-métrage se révèle très réussi et relève brillamment le défi d’être à la fois un bon film et une adaptation fidèle.
Tout d'abord, les personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, sont remarquablement écrits et mémorables, tout en restant fidèles à ceux du roman. Du maître du chien incarné par Denis Lavant au prêtre interprété par Swan Arlaud, Ozon les fait exister. Seulement une ou deux scènes suffisent à les rendre crédibles, vivants et presque attachants. On saisit immédiatement ce qui les meut et, par opposition, leur "humanité" accentue encore le rejet que provoque l’indifférence glaciale de ce cher Meursault.
L’autre force du film d’Ozon réside aussi dans sa construction. Le récit se décompose en deux parties. Une première, plus étirée et contemplative, s’attarde sur le quotidien de Meursault après la mort de sa mère. Une seconde, plus chargée en tension dramatique, dépeint le procès de cet anti-héros et son emprisonnement. Ici, point de citations directes ou répétitives du texte de Camus, juste quelques phrases, disséminées çà et là et qui surgissent au moment opportun. L’indifférence totale de Meursault ne s’exprime pas par une voix off mais bien par la lenteur du montage, par ses gestes insignifiants (un verre bu au café, un journal feuilleté, une baignade) et par l’impassibilité de ses expressions et autres mimiques.
Le choix du noir et blanc cesse alors d’être un simple objet d'esthétisme et devient un véritable parti pris de mise en scène. Il magnifie le visage de Benjamin Voisin, formidable en Meursault enfermé dans son étrange indifférence, autant qu’il éclaire celui de la splendide Rebecca Marder, qui compose une Marie profondément éprise, mais déconcertée par l’insensibilité de son potentiel futur amant.
Un dernier aspect particulièrement appréciable de cette adaptation tient au fait qu’Ozon parvient à actualiser le récit de Camus à travers une lecture plus contemporaine et progressiste, en mettant l’accent sur l’Alger coloniale de 1948. Le film montre les rues de la capitale de l'Aglérie, les conditions de vie des gens (notamment des algériens), la mentalité de l’époque, et surtout le racisme. Ces éléments apparaissent par intermittence, avec une grande justesse. L’histoire de Meursault demeure au premier plan, mais la colonisation de l’Algérie forme une toile de fond. Le choix de conclure non pas sur l’exécution du protagoniste, mais sur la tombe de sa victime, "un Arabe" comme ils disent, constitue un parti pris audacieux et particulièrement bienvenu.
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Créée
le 14 nov. 2025
Critique lue 11 fois
le 17 oct. 2025
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