Adapter au cinéma un roman de cet acabit, fallait oser ! C'est chose faite ! Et fort bien. François Ozon sait faire des films, incontestablement. Pour cette adaptation, les choix techniques sont remarquables : un noir et blanc, qui tranche avec ce que certains lecteurs pourraient avoir en tête (des teintes ocres, jaunes, des blancs saturés me concernant), une narration qui part de l'emprisonnement (par respect pour le "maman est morte" liminaire peut-être, dont la présence au début du film aurait pu être ridicule), un personnage principal qui ne se dépare pas de sa neutralité, son détachement (mais malgré tout mis en scène et dont chaque expression du visage est captée), une photographie superbe et absolument nécessaire dans un pareil projet, un excellent jeu des acteurs gravitant autour de ce soleil éteint (mention particulière pour le procureur dont j'ai trouvé le jeu délectable) et notables apparitions de Denis Lavant, toujours extraordinaire, et Christophe Malavoy en juge.
Quant à Benjamin Voisin : il crève l'écran. À un point tel, qu'à certains moments il me faisait penser à Gary Cooper et sa tranquille virilité.
Bref ! De la belle ouvrage, nonobstant certaines séquences plus criticables (le meurtre de l'Arabe par exemple, aux discutables pulsions homosexuelles, le personnage du roman étant incapable de toutes formes pulsionnelles, ou les scènes de fesses au plumard d'une totale inutilité parce qu'interchangeables de film en film). Les rôles féminins sont remarquablement dotés et menés. Rebecca Marder campe une Marie d'un grand naturel, d'une grande fraîcheur et Hajar Bouzaouit impressionne par sa seule présence, très photogénique.
Ozon a osé, et c'est bien ainsi.