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L'Étranger
6.4
L'Étranger

Film de François Ozon (2025)

Je trouve le film globalement inégal, avec quelques percées réussies sur un fond franchement moyen.


La photographie offre des plans sympas (la scène de la guillotine !), même si je me demande si le noir/blanc n’aplanit pas et ne fait pas perdre une bonne partie de la dimension sensible/sensualiste de Camus, dans ses descriptions des paysages Algériens et de la mer… Mais Ozon se rattrape avec les plans sur les corps. De mes souvenirs de lecture, je trouve qu’Ozon offre une interprétation plus politique et sociale de L’Etranger, soulignant l’ancrage colonial et le fossé entre les deux prismes de lecture, colon et colonisé (si cela peut nous écarter du Camus de L’Etranger, c’est sans doute heureux ?).


J’ai trouvé la seconde moitié du film, à partir du procès, plus intéressante (mais trop longue) que la première, qui pèche à mon goût par une caricature de Camus (j’y reviens toujours, mea culpa) : on prend le soleil, l’absurde, et on déroule. (Je trouve notamment que le soleil, la chaleur et la lumière, qui m’avaient semblé si écrasants dans le livre, n’apparaissent que trop peu dans le film. Certes, le contraste noir/blanc court tout du long, mais l’importance du soleil, au moment du meurtre, me paraît précipitée : ça prend Meursault d’un coup, là où je me serais attendu à quelque chose de plus subtile et progressif, comme le laissait penser le gros plan sur l’ampoule de la maison de retraite.) Bref, Ozon en dit souvent trop.


C’est sans doute facile à dire, mais ça manque je trouve de continuité, l’esprit de l’œuvre n’est pas assez diffus tout du long mais perce au contraire à quelques moments, forcément trop fort, et frise presque le ridicule (l’aveuglement dans le reflet du couteau ?!). J’ai un gros doute sur l’utilisation de la musique, dont on aurait peut-être pu se passer pour rendre le monde encore plus silencieux et proprement insignifiant (mais encore une fois, qui suis-je pour dire ça ??). Les dialogues de la seconde moitié, plus nombreux et substantiels, ont parfois tendance à faire un peu gros, mais la beauté de la langue arrange ça bien.


Restera pas dans ma mémoire mais a le mérite d’exister.

Pauluus
6
Écrit par

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le 6 nov. 2025

Critique lue 9 fois

Pauluus

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