Pour son deuxième passage derrière la caméra, Clint Eastwood revient une fois encore à ses premiers amours : le western. Véritable hommage à ceux qui l'ont lancé sur le devant de la scène et lui ont tout appris (Sergio Leone et Don Siegel), son film est extrêmement sombre, violent, à l'atmosphère pesante et où l'humour se fait rare. Bien sûr, Eastwood est encore et toujours ce héros sans nom récurrent qui débarque de nulle part et sauve une misérable ville de méchants cow-boys... Mais il faut toutefois avouer qu'il le fait si bien que l'on s'y prend à chaque fois. Ici, il est froid, sans pitié, misogyne, opportuniste et ne parle que pour remettre les gens à leur place, que ce soit des bandits mal famés ou une demoiselle avenante...
L'histoire se met lentement en place, présentant des personnages attachants, des duels d'anthologie et des éléments judicieusement disséminés jusqu'à la révélation finale dévoilant l'identité de notre héros. Cette identité est par ailleurs faussée par une traduction française grotesque, enlevant tout l'intérêt fantastique du film qui réside dans l'ultime réplique. La mise en scène d'Eastwood est nerveuse, accompagnée par une musique glauque et envoûtante, tel un personnage à part entière. L'interprétation est quant à elle sans faille : du génial Geoffrey Lewis, parfait en tueur sarcastique, à un Mitch Ryan aussi désespéré que pathétique en passant par l'inénarrable Billy Curtis dont la petite taille et la malice apporte son lot d'humour au film.
Le ton est cependant généralement sec et violent, sombrant dans le fantastique avec cet Homme Sans Nom vengeur devenant peu à peu le Messie puis le Diable en personne dans cette ville aux reproches multiples. Eastwood réalise ici une glorification du genre, respectant les codes en les contredisant, jouant de son passé et des rôles qu'il avait tenu pour en déformer la nature et se transformer en véritable anti-héros attachant tout en restant au fond foncièrement dégueulasse. Ainsi, avec son atmosphère fantastique, sa mise en scène époustouflante et son scénario atypique captivant, L'Homme des Hautes Plaines s'avère être un très grand western et l'un des meilleurs films de ce Clint Eastwood, tout simplement.