Clint Eastwood, pour sa première incursion dans le genre Western en tant que réalisateur (L'Homme des Hautes Plaines est sa troisième réalisation après Play Misty for Me et Breezy), ne se contente pas de rendre hommage aux westerns spaghetti qui l'ont rendu célèbre, il les distord en un cauchemar moral, sombre et fantastique. L'Homme des Hautes Plaines est un western sans héros, où la culpabilité collective est une maladie et la vengeance une force surnaturelle.
Points Forts
- Atmosphère Fantomatique : Le film installe d'emblée une ambiance lourde et mystérieuse. L'Étranger (Clint Eastwood), surgissant d'un horizon brumeux, n'est pas un simple homme sans nom, mais une entité vengeresse, peut-être un fantôme venu réclamer justice pour un meurtre passé. Cette dimension spectrale est brillamment suggérée et confère au récit une profondeur troublante.
- Démantèlement du Mythe : Eastwood déconstruit le mythe de la communauté vertueuse de l'Ouest. Les habitants de Lago ne sont ni bons ni innocents ; ce sont des lâches, des opportunistes et des complices. L'Étranger les manipule, les humilie, et les force à se confronter à leur propre pourriture morale.
- Mise en Scène Incisive : La réalisation est implacable et stylisée, avec des gros plans perçants et un usage du silence et du son (notamment le vent et les coups de fouet) qui accentue la tension. La transformation finale de la ville en "Hell" (Enfer) est un coup de maître visuel.
- Performance Charnelle : Dans un rôle qui pousse sa persona de l'Homme sans nom à l'extrême, Clint Eastwood est glacial et magnétique. Son absence de moralité et sa cruauté sont dérangeantes, forçant le spectateur à remettre en question la notion même de justice dans ce monde.
Réflexions (pourquoi un 8/10)
- Bien que brillant dans son propos et sa forme, le film peut paraître légèrement répétitif dans son traitement de la lâcheté des habitants, et certains actes de l'Étranger (notamment la scène de viol, souvent critiquée) s'avèrent excessivement brutaux, même pour un western si noir. De plus, son statut de film allégorique peut parfois rendre le rythme délibérément lent.
Conclusion : L'Homme des Hautes Plaines est un jalon du western révisionniste, un film sauvage, cynique et profondément subversif. C'est moins un récit d'héroïsme qu'une parabole brutale sur la culpabilité collective et le prix à payer pour la lâcheté. Une œuvre essentielle qui prouve qu'Eastwood est un cinéaste aussi audacieux que son personnage.