Un film qui ne manque pas de qualités, mais qui souffre aussi de nombreux défauts. Voilà ce que j'en pense. Au rayon du positif, le pictural (images soignées et de jolis plans) avec la beauté des paysages malgaches qui aide quand même un peu, quelques performances d'acteurs solides (Tereszkiewicz remarquable, par son jeu tout en nuances et en expressions faciales), l'évocation (très documentée) de Fantômette.
Et puis aussi, cette espèce d'ambiance douce-amère de fin d'une époque bénie, du pour ceux qui en profitèrent : la vie de colon, pas tuante pour deux sous (des domestiques, malgaches bien sur, en veux-tu en voilà), dans un endroit paradisiaque, coupé du monde réel. Avec tout de même les inconvénients de vivre en communauté restreinte : des ragots, pas d'anonymat et surtout pas de pitié pour ceux qui ne se conforment pas à la norme sociale en vigueur chez ces militaires, pas méchants mais pas très finauds et parfaitement conformistes également . La vie de caserne, quoi, mais pas à Sarreguemines ou à Belfort.
Le film se déroule au début des années 70 et la base aérienne qui lui tient lieu de scène est l'un des derniers vestiges de l'empire colonial français (quoiqu'il en reste encore quelques-uns) et c'est un peu ce monde-là que le spectateur voit finir doucement, sans véritable casse. Madagascar obtint son indépendance en 1960, pendant une dizaine d'années après fut dirigé par un président fort complaisant avec les anciens maitres du pays. Jusqu'à ce que la contestation devienne trop forte et amène la susdite base aérienne à plier bagage, avec tout son personnel.
Qu'est-ce qui cloche alors, me direz-vous ? Eh bien, disons qu'il ne se passe pas grand chose : on est sur en mode "chroniques du quotidien" et la vie sur la base aérienne en question est loin d'être passionnante. De quoi me tirer quelques bâillements, en fait, car le film est long. Par ailleurs, le côté "je filme avec le regard de l'enfant que j'étais" est un exercice casse-gueule (voir par exemple, Belfast de Brannagh) : difficile de ne pas tomber dans la mièvrerie et le film n'arrive pas à éviter complétement ce piège; ce côté j'ai 60 ans et je me souviens avec émotion de mon enfance (je crois que le film est autobiographique, si ce n'est pas le cas, l'argument qui précède aura été complétement foireux !).
Enfin, la fin du film procède d'une construction ambitieuse : symboliquement, dans le scénario, les français, qui se taillent, passent la main aux malgaches, qui occupent la scène durant le dernier quart d'heure. La scène des opposants qui sortent de l'avion et font des discours, on n'y croit pas une seule seconde. Bref, la fin n'est pas vraiment réussie et sonne d'autant plus creuse qu'avec le recul qu'on a aujourd'hui (c'est facile cinquante ans après), il est difficile de considérer que Madagascar s'est totalement défait de l'emprise française : du coup, tout ça tombe un peu à plat...