Entre comédie douce-amère et introspection polaire, ce curieux voyage porté par Blanche Gardin surprend autant qu’il désarçonne. Une proposition inégale, mais aussi singulière et audacieuse.
Coline (Blanche Gardin), c’était un peu le croisement entre Mike Horn et le commandant Cousteau : une exploratrice des pôles qui n’avait pas froid aux yeux et dont les découvertes ont contribué à la science. Mais ça c’était avant. Dépression, séparation, licenciement, sa vie part à vau-l’eau, et la voilà contrainte de retourner vivre dans le Jura auprès de ses deux frères Basile (Philippe Katerine) et Lolo (Bastien Bouillon). Ou peut-être est-ce un nouveau départ ? Ou alors tout simplement la fin ?
« Bipolaire, ça serait marrant pour une spécialiste des pôles ? » plaisante « subtilement » Colline. Cette réplique pourrait s’appliquer au film lui-même : bipolaire. C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Le film commence comme une comédie po(pu)laire, un retour aux sources, comme le cinéma français en produit tant. Le ton est doux-amer, le casting motivé et le décor familier (on reconnait Métabief, à quelques kilomètres de Vallorbe). C’est plaisant, sans être renversant.
Puis sans prévenir, le film bascule vers une aventure existentielle au Groenland, mêlant exotisme et quête de soi sur un ton plus crépusculaire. Cette rupture de style, bien que surprenante, s’accorde pourtant assez bien avec le personnage incarné par Blanche Gardin. Conceptuellement, c’est aussi bien vu que prometteur. Le réalisateur poursuit ici sa passion pour le Groenland, déjà présente dans sa filmographie avec notamment Le Voyage au Groenland (2016) et Inupiluk (2014). Sa caméra devient quasi ethnographique, attentive à la vie des habitants, et tente de capter un lien métaphysique entre ce territoire et ses personnages.
Mais malgré cette volonté louable de surprendre et de déjouer les attentes, il y a quelque chose que ne fonctionne pas, la mécanique semble grippée. Comme les strates de glace d’un glacier, le film empile différentes couches mais ne parvient pas à les fondre dans un ensemble cohérent. Probablement que le problème est à chercher du côté du rythme et du montage qui auraient gagné à être resserrés. Il demeure une odyssée étrange, rafraichissante (dans tous les sens du terme), qu’on n’a pas l’habitude de voir. Un curieux film pour les curieux.