• Callahan.

  • Monsieur ?

  • Ne recommencez pas une affaire du genre de celle du quartier de Fillmore, il y a un an. Compris ? C'est contraire à ma politique.

  • Lorsque je vois un adulte du sexe masculin courir derrière une femelle avec l’intention évidente de la violer, je le descends avant, c’est ma politique.

  • L’intention ? Elle restait à établir.

  • Quand un gars à poil court derrière une fille la queue en l’air et un couteau de boucher à la main, c’est drôle, j’ai peine à croire qu’il est en train de quêter pour la croix rouge.

  • Là, il a marqué un point.




Le Charognard : « La loi, est complètement idiote ! »



L'Inspecteur Harry réalisé par Don Siegel est le premier des cinq films avec Clint Eastwood dans le rôle emblématique de l'inspecteur Harry Callahan.
Un tireur d'élite embusqué en haut d'un gigantesque bâtiment de San Francisco. Au bout de la ligne de mire, à quelques centaines de mètres de là, une femme en train de nager dans une piscine sur le toit d'un hôtel. Une mise à feu. Un assassinat. Une lettre :
« À la ville de San Francisco. Je me ferai une joie de tuer une personne par jour jusqu'à ce que vous m'ayez donné 100 000 dollars. Si vous êtes d'accord, faites-le-moi savoir demain matin dans les "Messages personnels" du San Francisco chronicle. Et j'arrangerai un rendez-vous. Sans réponse de votre part, j'aurai un grand plaisir de tuer un prêtre catholique ou un nègre.
"SCORPION". »

L'inspecteur Harry Callahan, alias Harry le Charognard est sur l'affaire, bien décidé à stopper le psychopathe meurtrier qui terrorise la ville. La légende commence. Un premier récit net et sans bavure qui d'emblée de jeu frappe fort pour ne plus lâcher le spectateur plongé dans un thriller policier d'action infernal sur une intrigue à suspense haletante particulièrement brutal où personne n'est épargné. Une chasse à l'homme intraitable autour d'un face-à-face intelligent entre Callahan, Scorpion et le bureau du procureur.


Une enquête tendue et difficile savamment diluée à travers une critique qui ne fait pas dans la dentelle envers le système juridique venant entraver par l'imposition de lois libérales l'appréhension du tireur fou. Une accusation contre un système protégeant les criminels, qu'une bien-pensance moralisatrice loin de la réalité du terrain vient à faire respecter. Une institution ayant son importance en garantissant une "stabilité sociale" afin d'éviter que des cowboys ne face la loi et que les villes ne soient transformées en far west. Seulement, les invraisemblances, l'illogisme et le laxisme des règles définies s'accumulent pour une injustice totale envers les victimes et toujours plus de droits pour les bourreaux. Une réussite scénaristique qui pose un enjeu, un cadre et un raisonnement intelligent autour d'une simple question : "Peut-on justifier la violence au nom de la justice ?"
Une question à laquelle Callahan répond lors de son échange mouvementé avec le juge Bannerman, de la Cour d'Appel alors qu'il vient enfin d'appréhender Scorpion :
« - Voilà messieurs, mon opinion est que la visite chez le suspect était tout à fait illégale. De ce fait les preuves recueillies au cours de cette perquisition telles que ce fusil de chasse sont irrecevables devant une Cour. Il eut fallu un mandat de perquisition. Je m'excuse, mais c'est aussi simple que ça.
- Un mandat, alors qu'une jeune fille agonisait !
- La jeune fille était morte si on en croit le rapport de l'autopsie.
- Mais à cette heure là je l'ignorais ! »

À quoi ils ajoutent :
« - Les droits du suspect en outre, ont été violés. En contradiction avec le 4e, et probablement le 6e et 14e amendement.
- Et Anne Marie Deacon, elle avait quel droits ? Cette petite lentement asphyxiée au fond d'un trou. Qui parle de ses droits ? »

Lorsque la vie d'un innocent est en jeu, est-ce que la loi reste la même pour tous ? Pour Callahan, sûrement pas ! Un positionnement politique autoritaire nécessaire dont il est difficile de nier sa véracité qui va faire grincer les dents des libéraux et ravir ceux en manque de justice. Harry Callahan est un mal nécessaire devant faire face à la lâcheté des autorités en place hypocrites devant une réalité qu'ils refusent de voir, ne laissant à l'inspecteur comme autre choix que d'abdiquer, en jetant son insigne et par là même le système qu'il représente.



Je sais ce que tu penses : « C’est six fois qu’il a tiré ou c’est cinq seulement ? ». Si tu veux savoir, dans tout ce bordel, j’ai pas très bien compté non plus. Mais c’est un Magnum .44, le plus puissant soufflant qu’il y ait au monde, un calibre à vous arracher toute la cervelle. Tu dois te poser qu’une question : « Est-ce que je tente ma chance ? ». Vas-y, tu la tentes ou pas ?



Don Siegel gère admirablement bien le tout en proposant une véritable subtilité dans son propos pourtant brutal, qu'il va diluer à travers une lutte symbolique entre le bien et le mal. Un mélange nécessaire afin d'assurer un postulat clair et sans aucune ambiguïté pour le public pour une glorification totale du propos du cinéaste malgré la profondeur recherchée. Pour cela, quoi de mieux que de poser de la nuance sur des personnages caricaturaux où on ne doute pas de qui est le gentil, ni de qui est le méchant. Clint Eastwood en tant que Harry Callahan livre l'une de ses performances les plus mythiques. Un policier de San Francisco particulièrement tenace, cynique, ironique, arrogant, incorruptible, solitaire, viril, voyeur et bourru. Doter d'un sens de la reparti à toute épreuve, il manipule aussi bien la langue que son revolver ce qui donne lieu à des répliques cultes très drôles :
« - Je vous écoute.
- Vous écoutez quoi ?
- Votre rapport, qu’avez-vous fait ?
- Et bien, je viens de passer trois quart d’heure devant votre porte, assis sur mon cul, à attendre que vous veniez vous décider. »

Armé de son Magnum de calibre Smith & Wesson .44, et à l'occasion d'un fusil Winchester, il sillonne la ville à bord de sa Ford Galaxie 500 de 1968, et fait régner la loi. Scorpion par Andrew Robinson est génial. Le comédien livre une performance dérangée par le biais d'une frénésie criminelle intensive et inquiétante. Un homme instable capable de tout et qui à défaut de pouvoir vaincre le Charognard sur son terrain va retourner contre lui le système juridique dont il est le garant. Une dualité efficace pour un résultat redoutable.


La réalisation de Don Siegel est impeccable avec une description captivante de son environnement caractérisé par une jungle urbaine nocive. Une mise en scène inventive avec des panoramiques et des plans de caméra ingénieux. Siegel décrit une ambiance étouffante, granuleuse et contaminante sur une caméra enflammée qui compose avec maestria la sauvagerie des diverses situations sauvages proposées. De la brutalité accompagnée d'un humour sec sur un rythme savamment déroulé offrant un maximum de tension pour un rendu digeste malgré la folie explorée. Une conduite que la partition musicale groovy de Lalo Schifrin, aide à rendre convaincante. Les scènes d'action percutantes sont nombreuses avec un Harry Callahan qui ne cesse de se mettre en valeur. Que ce soit : affronter avec dépit et lassitude un groupe de braqueur de banques; stopper une tentative de suicide en traitant le mal par le mal; ou encore les nombreuses confrontations contre Scorpion qui ne cesse de narguer la police via les médias; le plaisir est entier. Un Harry Callahan qu'il ne faut pas trop faire chier contre un Scorpion sans limite, qui va offrir bien des épreuves à l'inspecteur lors d'un affrontement nocturne au sniper, une course endiablée aux cabines téléphoniques, un détournement de bus scolaire rempli d'enfants... Les rebondissements sont nombreux pour un maximum de scènes cultes délivrées dans un univers impitoyable qui aborde tous les grands thèmes et clichés de l'insécurité d'une époque qui porte les stigmates de la guerre du Vietnam et qui trouve en Callahan le héros idéal pour s'y confronter.



CONCLUSION :



L'Inspecteur Harry réalisé par Don Siegel est un thriller policier d'action mettant en scène l'Inspecteur de police le plus burné de l'histoire du cinéma : "Harry Callahan", que Clint Eastwood immortalise par une performance charismatique et des répliques cinglantes savamment mis en boîte par une réalisation soignée. Un long-métrage impitoyable pour une critique autoritaire du système judiciaire sur une idéologie répulsive mais ô combien intelligente et pertinente pour un rendu final haletant.


Un premier film, et déjà une œuvre culte.




  • Pourquoi vous appelle-t-on « Harry Charognard » ?

  • À cause d’un trait de caractère de notre ami : il n’a pas de préférences. Il déteste tout le monde : les juifs, les métèques, les englishs, les irlandais, les négros, les chinetoques, les japs… Faites votre choix.

  • Et qu’est-ce qu’il pense des mexicains ?

  • Il va vous le dire.

  • Les pires de tous les métèques.


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le 11 août 2022

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